Les vignerons méridionaux ont manifesté une quatrième fois, le 16 janvier, pour protester contre la mévente des vins de table. Ils ont fait part d'un catalogue de revendications, dont quelques-unes seulement seront satisfaites.
Les vignerons du Midi l'ont mauvaise. Ils l'ont fait savoir en descendant dans les rues de Béziers, le 16 janvier. Après Montpellier, Nîmes et Carcassonne, cette ville était la quatrième à accueillir des manifestants ulcérés par la mévente des vins de table et des vins de pays génériques. Ils étaient 4 000 à 5 000, venus avec un lourd catalogue de revendications. Ils défilaient à l'appel de l'Union syndicale des vignerons du Languedoc-Roussillon. Cette entité est née pour l'occasion. Elle n'a ni bureaux, ni président, ni porte-parole attitré. Elle regroupe de manière informelle les principales organisations syndicales (FRSEA, CRJA, Fédérations des caves coopératives et des caves particulières des quatre départements de la région).
Les manifestants venaient également exprimer leur agacement devant le retard avec lequel les aides arrivent et les décisions se prennent. Les primes à la reconversion devaient être réglées au plus tard le 15 octobre 2001, échéance fixée par l'OCM. Or, au début de ce mois de février, de nombreux dossiers n'étaient toujours pas soldés. Les vignerons avaient le sentiment que les versements n'avaient jamais été aussi tardifs. L'Onivins de Montpellier soutient qu'il n'en est rien et plaide qu'il y a ' eu plus de dossiers et une plus grande complication dans leur traitement ' pour justifier ce dépassement de l'échéance.
Pour soulager les marchés, la profession était venue exiger la distillation de crise de 4 à 5 Mhl à un prix indicatif de 3 euros/°hl (19,68 F). Dès le mois de septembre, le ministre s'était engagé à soutenir cette demande. En décembre, il l'avait signifiée officiellement à la Commission. Quelques jours après la manifestation, on apprenait qu'elle allait être examinée par le Conseil des ministres de l'Agriculture du 18 février, un examen obligatoire car la France veut verser une aide nationale complémentaire pour éliminer 4,5 Mhl à 2,74 euros/°hl (17,97 F) (prix supérieur à celui prévu dans les textes européens).
Que de temps perdu, pestent les Méridionaux. Il prive la distillation de crise de tout effet sur les marchés. Le ministère rétorque qu'il fallait d'abord en finir avec la distillation d'alcool de bouche, qui a conduit à éliminer 1,2 Mhl du marché français. C'est ainsi que fonctionne la nouvelle OCM (organisation commune de marché) et c'est justement ce que veulent changer les syndicats afin de revenir à une sorte de distillation obligatoire en début de campagne. Mais ils se heurtent à des réticences très fortes des pouvoirs publics. Ces derniers n'ont aucune envie d'instaurer un mécanisme qui entretiendrait, à grandes pelletés de subventions, les flammes d'une chaudière où brûleraient des vins imbuvables.
Les Méridionaux veulent changer une autre règle de l'OCM. Depuis plusieurs mois, ils revendiquent l'instauration de l'arrachage temporaire (ou reconversion progressive), qui permettrait à un propriétaire d'arracher une parcelle, de toucher l'aide pour le faire, puis les aides pour la laisser improductive une ou plusieurs saisons et, au bout du compte, de vendre son droit de plantation. La prime à la reconversion, introduite cette campagne, interdit la cession du droit. Or, cette restriction est jugée trop pesante. Les professionnels pronostiquent qu'elle freinera bien des velléités d'arrachage. Au mieux, elle sera supprimée en 2002-2003, annonce l'Onivins à Paris, car les négociations à son sujet n'ont pas encore été engagées au niveau européen.
Voilà pour le moyen terme. Mais l'urgence, c'est la situation financière des exploitations. Pour la soulager, les manifestants étaient venus réclamer des prêts et une année blanche de cotisations sociales, de charges d'emprunts et d'impôts fonciers. Début février, les négociations suivaient un cours peu favorable à leurs exigences. Ils n'allaient vraisemblablement rien obtenir de plus que des prêts à taux bonifiés. Ils réclamaient 0 % d'intérêt. Selon certaines sources, les services de l'Etat ne voulaient pas descendre en dessous de 1,5 %.
A l'heure où nous mettions sous presse, seuls les jeunes vignerons pouvaient se targuer d'avoir été entendus. Ils ont obtenu l'allégement des conditions d'attribution des aides qui leur sont réservées. Le taux d'endettement minimal a été ramené de 16 à 12 % et la baisse du chiffre d'affaires de 20 à 15 %. Et encore, a-t-il fallu qu'ils attendent le 30 janvier que le ministre de l'Agriculture l'annonce à l'Assemblée nationale !