La notion d'AOC commence au vignoble. Certains l'avaient un peu oublié. Un décret en préparation devrait leur rafraîchir la mémoire et donner aux organisations professionnelles des armes pour faire respecter les règles.
La notion d'AOC repose, avant toute chose, sur la délimitation d'une zone géographique et sur le respect de conditions de production. D'ailleurs, beaucoup estiment que la majorité des problèmes rencontrés lors des dégustations d'agrément trouvent leur origine au vignoble, dans des parcelles surchargées ou mal entretenues donnant des vins dilués, déséquilibrés et donc fragiles. Le décret, sorti en décembre et relatif aux examens analytiques et organoleptiques des vins d'AOC, précise d'ailleurs dans son article 1 er : ' ... les vins présentés à ces examens doivent avoir été élaborés conformément aux conditions de production de l'appellation d'origine contrôlée revendiquée . ' Le décret relatif aux rendements, actuellement en cours de modification, devrait préciser les choses. Un nouvel article devrait indiquer qu'en cas de constat d'une non-conformité d'une parcelle à l'une des conditions de production fixées dans le décret d'appellation, les services de l'Inao pourront notifier au vigneron que la parcelle ne pourra pas être revendiquée dans la déclaration de récolte ou bien pour un maximum de x hl/ha. Les syndicats devront former des commissions techniques de suivi des conditions de production qui auront pour mission de travailler avec l'Inao. ' La commission donne son avis, mais l'Inao porte seul la responsabilité finale du contrôle. L'implication du syndicat est essentielle pour assurer la légitimité de ce travail et renforcer l'action collective autour du concept d'AOC. D'ailleurs, les conditions de production étant fixées par les professionnels, il est normal et même indispensable qu'ils s'engagent pour les faire respecter ', remarque un agent de l'Inao.
Cela devrait d'ailleurs déboucher sur un travail de relecture et de toilettage des décrets dans de nombreuses appellations afin de les adapter aux pratiques en cours. En effet, pour sanctionner un non-respect des conditions de production, encore faut-il qu'elles soient précisément établies ! Il peut s'agir de la densité, de la surface foliaire exposée, du système de taille... ' Mais attention, prévient un responsable de l'Inao, il ne s'agit pas de faire du contrôle bête et méchant. L'objectif du prochain décret est de se donner des outils pour lutter contre les fraudeurs intentionnels, ceux qui visent les 100 hl tous les ans sans se soucier de la qualité, ceux qui ont des vignes éponges non entretenues et font surproduire d'autres parcelles, ceux dont les vignes sont systématiquement pleines de maladies, ceux qui ne remplacent jamais les manquants ou qui ne récoltent pas toutes leurs parcelles... ' Les responsables professionnels soulignent aussi le rôle pédagogique de la commission qui passera plusieurs fois dans l'année. En cas de charge trop importante par exemple, il sera possible d'y remédier en faisant tomber du raisin pour se remettre dans la norme.
' Vous avez deux parcelles de 1 ha chacune. Le rendement autorisé pour le millésime considéré est de 50 hl/ha. Vous déclarez 100 hl. Au niveau de la déclaration de récolte, tout va bien, mais sur le terrain, cela peut cacher de grosses différences. Vous pouvez avoir produit 50 hl sur chaque parcelle, peut-être 60 hl sur l'une et 40 hl sur l'autre. Jusque-là, pas de problème. En revanche, si vous produisez 100 hl sur l'une et zéro sur l'autre, il est évident que l'une des parcelles a beaucoup trop produit pour obtenir de la qualité, tandis que l'autre sert d'éponge. Dans ce cas, vous avez toujours 100 hl mais d'une qualité bien inférieure. Le contrôle à la parcelle doit servir à éliminer ce type de pratique. '
Pas question pour autant de contrôler toutes les vignes tous les ans. ' Nous procèderons par sondage, mais aussi en privilégiant les vignes de ceux qui sont régulièrement ajournés à l'agrément ou de ceux dont les déclarations de récolte sont systématiquement au taquet ', prévient un agent de l'Inao. ' Cette partie de contrôle des conditions de production est la pierre angulaire de la réforme , précise René Renou, président de l'Inao et vigneron angevin. Une fois cette partie bien maîtrisée, on pourra envisager de remplacer la dégustation d'agrément systématique par des sondages . ' D'autres vont plus loin et suggèrent de s'inspirer de la filière agroalimentaire. ' Il n'y a pas d'agrément et le droit à l'AOC est acquis. Mais, tout au long de la chaîne de production, des vérifications sont effectuées par sondage et en cas de problèmes, l'AOC ne peut plus être revendiquée. '