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Les curzates, des produits en perte de vitesse

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Le marché des curzates est en baisse du fait de l'apparition de nouvelles spécialités plus performantes. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'ils gardent toute leur valeur car ils sont bon marché, curatifs et souples d'emploi.

Les distributeurs sont unanimes : les vignerons abandonnent de plus en plus les produits à base de cymoxanil associé à une ou des molécule(s) de contact, plus communément appelés curzates. Chez la firme Syngenta, distributrice de la Rémiltine pépite, on ne s'en cache pas : ' Les produits pénétrants nouvellement arrivés sur le marché concurrencent les curzates car ils apportent un plus sur le plan technique . ' En effet, habituellement très utilisés en début de campagne, ces derniers ont un adversaire de taille sur ce segment, l'Eperon, de Syngenta, qui présente l'avantage de protéger les pousses nouvellement formées. ' En début de saison, les vignerons veulent jouer la sécurité. Ils ne veulent pas laisser de trous dans la protection, car au printemps, des contaminations importantes associées à une forte pousse peuvent être fatales ', explique Hélène Vergonjeanne, de Syngenta.
Certains vignerons attaquent d'emblée avec un produit systémique (Fosétyl ou anilides), ou avec un diméthomorphe dont les propriétés antisporulantes sont intéressantes pour nettoyer le terrain. La polyvalence de certains produits est aussi un atout qui leur permet de gagner des parts de marché. En cela, les strobilurines - l'azoxystrobine (Quadris, Quadris Max), puis bientôt la pyraclostrobine - sont des concurrents sérieux. Homologués contre le mildiou, l'oïdium, le black-rot, l'excoriose et le brenner, ils permettent de lutter contre plusieurs maladies en un seul passage. Finis les casse-têtes de la gestion du temps, du personnel et de la compatibilité des produits.

Mais ce sont surtout leur persistance d'action plus longue et leur résistance au lessivage qui avantagent les nouveaux pénétrants arrivés sur le marché. En effet, après une pluie, la molécule de contact des curzates est lessivée. Comme il ne reste que le cymoxanil et qu'il ne persiste que cinq à six jours, un fongicide associant le cymoxanil à une molécule de contact doit être renouvelé au bout de six à huit jours maximum en cas de pression exceptionnelle, alors que les spécialités pénétrantes à base de diméthomorphe, d'iprovalicarb, ou de QoI tiennent aisément jusqu'à dix jours. En situation de forte pression, les vignerons préfèrent donc s'appuyer sur ces derniers.
Philippe Caigneul, responsable du marché des fongicides chez DuPont, met un bémol à ce discours, très académique selon lui : ' En pratique, les différences de persistance d'action peuvent être gommées par des facteurs extérieurs, comme la pousse de la vigne . ' En Loire-Atlantique, un distributeur explique : ' Les vignerons souhaitent réaliser le moins de passages possibles. Les produits à faible rémanence sont donc mis de côté . ' Mais selon Philippe Caigneul, ' la baisse du marché des curzates observée lors de la dernière campagne n'est pas une tendance de fond mais s'avère conjoncturelle. Elle a surtout concerné les curzates organocupriques, car du fait des attaques tardives de mildiou, des vignerons se sont fait piéger et ont dû utiliser des produits haut de gamme pour maîtriser la situation. Même si on sent cette année un regain d'intérêt envers les curzates traditionnels, il faudra observer les comportements des vignerons durant la campagne. Par ailleurs, le gros problème des curzates est qu'ils subissent un déficit de connaissance de leurs différentes propriétés '.

Les curzates sont-ils pour autant finis ? Là encore, la réponse est claire et unanime : ' Les curzates ont encore toute leur place au sein des programmes. Leur souplesse d'emploi, leur coût à l'hectare et leur curativité en font des produits intéressants. Dans le cadre de l'alternance des matières actives indispensables pour gérer les phénomènes de résistance, ils ont encore un intérêt ', explique un distributeur. Mais selon les régions, les comportements sont différents : la Champagne est traditionnellement très utilisatrice de curzates ; dans le Sud-Ouest, ils sont moins prisés.
Avec le diméthomorphe, le cymoxanil est le seul produit qui peut rattraper une contamination dans un délai qui ne doit pas dépasser 20 à 25 % du temps d'incubation du mildiou. Par ailleurs, en situation déclarée, la préconisation des services officiels est d'appliquer deux traitements rapprochés à cinq jours d'intervalle, dont le premier, à base de cymoxanil, a pour but de casser le cycle en cours.
Un autre avantage des curzates, leur coût. ' Ils ne disparaîtront pas demain de nos programmes, même s'ils sont peu à peu dépassés par d'autres spécialités. Le côté économique acceptable des curzates est un atout pour notre région qui subit la crise ', explique un distributeur du Gard.

En effet, si on se réfère au Coût des fournitures en viticulture et oenologie 2002, un traitement avec Sarman M., l'un des curzates les moins onéreux, coûte 27,40 euros/ha, alors qu'un Acrobat M. DG revient à 40,03 euros/ha, par exemple. Toutefois, en situation de forte pression, il ne faut pas se fier uniquement au prix d'un produit, mais il faut tenir compte également du nombre d'interventions à réaliser.
Enfin, les curzates gardent toute leur valeur en terme de gestion des résistances. Ni la matière active de contact, ni le cymoxanil ne sont concernés par les phénomènes de résistance, même si l'on a constaté une légère dérive de sensibilité du mildiou au cymoxanil. Contrairement à d'autres molécules dont les résistances au vignoble sont clairement établies, les potentialités antimildious des produits à base de cymoxanil ne sont pas altérées alors que cette molécule est utilisée depuis vingt-six ans. ' Les curzates ont encore une carte à jouer car la mise en évidence de la résistance aux QoI peut pénaliser ces derniers ', pense Philippe Cagnieul. D'ailleurs, DuPont planche actuellement sur une campagne marketing qui débutera cette fin de campagne afin de faire rebondir ces produits en insistant sur le fait que, selon eux, le cymoxanil est particulièrement bien adapté à la lutte raisonnée.

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