A la veille des vendanges, des trombes d'eau ont ravagé le Gard, le Vaucluse et l'Hérault, endommageant gravement les vignobles. Certaines caves ont tout perdu.
'Certains adhérents ne récolteront même pas 1 kg de raisin ', se désole Laurent Chabaud, président de la cave coopérative de Dions (Gard). Les pluies torrentielles qui se sont abattues sur ce département, sur le Vaucluse et l'Hérault, les 8 et 9 septembre, ont ravagé une partie du vignoble et détruit les locaux de cette cave. Elle se situe en aval des secteurs où il est tombé jusqu'à 750 mm en 24 heures, soit la pluviométrie annuelle. ' L'eau est montée jusqu'à 8,50 m, poursuit Laurent Chabaud. Une seule cuve a échappé au sinistre. ' Le reste du matériel, les bureaux et les stocks ont été anéantis .
Au dehors, l'eau a entièrement submergé les vignes et entraîné des glissements de terrain. Résultat : des raisins pourris, éclatés, des souches arrachées, couchées ou recouvertes de limon, ce dépôt terreux véhiculé par les torrents de ravinement. ' Ces raisins sont inaptes à produire des vins de qualité. De plus, ils peuvent détériorer le matériel de vinification car le limon est très abrasif , souligne Laurent Chabaud. Nous avons choisi de ne pas les récolter. ' Sur les 300 ha de la cave, une centaine seulement ont pu être ramassés. Les raisins ont été vinifiés dans les caves voisines de Bourdic et La Rosuvière. La perte de récolte est estimée à 13 000 hl sur les 20 000 hl produits chaque année.
Trois autres coopératives gardoises, Aramon, Codolet et, à Pujaut, Le Cellier des Chartreux, se sont également trouvées dans l'impossibilité de vinifier et ont dû se tourner vers les coopératives voisines. La cave de Codolet n'a même pas vendangé, préférant ne pas rentrer des raisins totalement souillés. Les organisations professionnelles ont multiplié les consignes pour qu'ils soient laissés sur pied, quitte à être indemnisés.
Ailleurs, l'ampleur des dégâts est variable. Certains ont conservé leurs locaux intacts, d'autres ont vu une partie de leur matériel et de leur vignoble endommagés par les eaux. Partout, il a fallu parer au plus pressé, car c'était la veille des vendanges. Seuls quelques cépages destinés à l'élaboration de blancs et de rosés avaient été récoltés.
' Chez nous, il a fallu patienter un jour et demi avant de pouvoir rentrer sur les parcelles , raconte Alain Maura, régisseur des caves Gendre, à Quissac (Gard). Heureusement, l'engazonnement a limité l'érosion. Il fallait ramasser vite afin que l'état sanitaire ne se dégrade pas plus. Quitte, par la suite, à enrichir les moûts. ' Dans ces zones sinistrées, des foyers de botrytis étaient déjà présents. Les caves Gendre n'ont pas pu rentrer toute leur récolte. Elles produisent 5 000 hl/an. Cette année, il leur manquera 800 à 1 000 hl.
Au chai, il a fallu ajuster les vinifications. ' Sur les grenaches, avec lesquels nous produisons uniquement des rosés, nous avons opté pour un pressurage direct. Nous avons également augmenté les doses d'enzymes pour clarifier les moûts chargés. Enfin, nous avons filtré les bour- bes ', explique Alain Maura.
Sur les syrahs vinifiées en rouge, la cave a privilégié des macérations courtes pour faire ressortir le fruit. Les doses de SO 2 ont été augmentées. Des apports de tanins de pépins de raisin ont été réalisés sur les rouges pour renforcer leur protection contre l'oxydation. Le domaine entend aussi tirer les leçons de cette catastrophe. ' Cela va accélérer la reconversion de notre vignoble, indique Alain Maura. Les vignes endommagées étaient plantées en bordure de rivière, sur des terrains fertiles. A ces endroits, nous avons décidé de ne pas replanter. Nous avons la possibilité d'installer de nouvelles plantations sur des terrains plus adaptés. '
De leur côté, les caves en partie inondées ont dû remettre rapidement leur outil en service. ' En période de vendanges, nous accueillons 500 t de raisin par jour. Après les intempéries, nos adhérents ont apporté leurs vendanges dans les caves voisines. Mais il a fallu très vite se mettre au sec pour refaire fonctionner notre unité. Six jours après la catastrophe, nous avions rouvert la plupart de nos quais , signale Claude Rivier, président de la cave de Chusclan (Gard). Mais nous avons perdu la moitié de notre production et nous craignons, à terme, de perdre des marchés . '
Après les vendanges, les vignerons devront s'atteler à la reconstruction de leur vignoble : redresser les souches, arracher, installer de nouvelles plantations, nettoyer... La tâche s'annonce rude. ' Pour y parvenir, nous allons organiser un mouvement de solidarité avec les vignobles voisins ', annonce Denis Verdier, président de la Fédération des caves coopératives Gardoises. De quoi redonner un peu de moral aux sinistrés.