Pour offrir une porte de sortie aux vignerons touchés par la crise des vins de table, les critères d'accès à la préretraite ont été assouplis. Cette mesure est pénalisée par son faible montant et la perspective d'une reprise de l'arrachage primé.
En 1998, les critères d'accès à la préretraite étaient devenus très restrictifs, ce qui avait provoqué une forte chute du nombre de dossiers pris en charge. Pour pouvoir en bénéficier, il fallait être, soit dans l'incapacité physique de travailler, soit engagé dans une procédure Agridif sur une exploitation jugée impossible à redresser. Pour permettre aux exploitants viticoles de quitter le métier avant d'en être arrivés à ce stade, un assouplissement des critères d'accès a été mis en place dans le cadre des mesures Patriat, adoptées en avril 2002.
La formule est réservée aux agriculteurs à temps plein, spécialisés en viticulture et âgés de 55 ans au moins. Ils doivent produire principalement des vins de pays et des vins de table, et avoir subi une baisse d'au moins 15 % de leur chiffre d'affaires. Le montant annuel attribué est de 5 500 euros, quelle que soit la surface exploitée. Les cotisations obligatoires vieillesse et maladie sont également prises en charge.
La mesure contribue en même temps à la restructuration du vignoble. L'exploitation doit être mise en vente par la Safer ou cédée en fermage, le repreneur devant justifier d'un besoin d'agrandissement ou être jeune agriculteur. Le cédant ne doit pas avoir diminué ses surfaces de plus de 15 % l'année précédant la demande. Cette disposition vise à éviter la vente des meilleures parcelles avant la cessation d'activité.
' Le point le plus délicat est de trouver un repreneur. Dans notre répertoire départemental, nous avons davantage de demandes d'installation que d'exploitations qui se libèrent. Mais les candidats ne recherchent que des structures viables, disposant d'un encépagement adapté. Nous avons déjà constitué une soixantaine de dossiers. Les premières exploitations cédées avaient de bons cépages, et elles ont intéressé des jeunes. Mais ce ne sera pas toujours le cas. Gérer les départs ne suffit pas, il faut aussi continuer à reconvertir le vignoble. Si les départs s'accélèrent, il faudra envisager des mesures d'animation foncière pour accompagner le mouvement ', explique André Dochy, directeur de l'Association départementale d'aménagement des structures agricoles de l'Hérault (Adaseah).
Une première enveloppe correspondant à 500 dossiers de préretraite par an a été attribuée pour 2002 et 2003. Elle pourrait être augmentée, si nécessaire. Mais, pour l'instant, le démarrage reste timide. Au niveau national, d'après le ministère de l'Agriculture, 165 dossiers ont été déposés dans les départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. ' Les candidats potentiels ne manquent pas. De nombreux viticulteurs en fin de carrière préféreraient profiter un peu de la vie pendant qu'il en est temps, plutôt que d'affronter encore des difficultés économiques. Mais pour cela, il faut qu'ils puissent disposer d'un revenu correct ', souligne Georges Bonnaric, vigneron dans l'Hérault et président de l'Adaseah.
Le montant peu élevé de la préretraite constitue un frein, mais il peut être complété par le montant du fermage perçu sur les vignes cédées. ' J'ai hésité avant de déposer une demande. Je me suis finalement décidé parce que j'avais des problèmes de santé, et que les cotisations étant prises en charge jusqu'à 60 ans, je pouvais bénéficier d'une retraite complète ensuite. J'espère pouvoir me reposer, tout en confortant l'installation de mes deux fils, auxquels je compte céder mes vignes en fermage ', explique Raymond Astruc, vigneron à Neffiés (Hérault).
Pour ceux qui n'ont pas de repreneur, l'arrachage définitif, avec des primes modulables en fonction des rendements, serait beaucoup plus attractif financièrement. Pour la tranche comprise entre 50 et 90 hl/ha, la prime atteint 6 300 euros/ha. Mais encore faudrait-il que la procédure soit ouverte, ce qui n'est pas le cas, pour l'instant, dans les départements méridionaux touchés par la crise des vins de table et de pays.
' Nous sommes opposés à la remise en place d'un arrachage définitif, même ciblé, car une fois la porte entrouverte, il est difficile de la refermer ', explique Jérôme Despey, président du syndicat Jeunes Agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture a inclus une mesure d'arrachage temporaire, avec conservation des droits, dans ses propositions de révision de l'OCM (organisation commune des marchés). La demande a été transmise à l'Union européenne, mais si elle était acceptée, elle ne pourrait pas être mise en oeuvre dès cette campagne.
' Nous avons demandé à Hervé Gaymard de prendre les devants, comme cela avait été le cas pour la plantation anticipée, et de débloquer dès cette année une enveloppe destinée à expéri- menter la mesure, sans attendre les décisions européennes. Cela permettrait de répondre à des demandes, comme celle des Pyrénées-Orientales, sans aller jusqu'à un arrachage définitif ', affirme Jérôme Despey.
D'un point de vue financier, pour ceux qui veulent partir, cet arrachage temporaire pourrait se situer entre la préretraite et l'arrachage définitif. Si les propositions des professionnels étaient acceptées, il serait accessible dès 50 ans et pourrait être suivi d'une préretraite entre 55 et 60 ans. Mais rien n'est acquis pour l'instant.
Dans les régions d'appellation, il y a aussi des vignerons âgés qui souhaiteraient quitter le métier dès maintenant. Dans l'état actuel des textes, ils ne peuvent prétendre à la préretraite que si leur recette provient principalement des vins de pays et de table. De ce fait, leurs syndicats recherchent une autre porte de sortie. Dans le Val de Loire, c'est la fédération viticole d'Anjou et de Saumur qui réfléchit à l'opportunité de demander un arrachage ciblé pour le saumur brut. ' Les prix d'achat sont bloqués et restent inférieurs aux coûts de production d'un vin de base de qualité. Nous avons, d'un côté, des volumes sans débouchés et, de l'autre, des vignerons souhaitant partir. L'arrachage pourrait offrir une solution, à condition de ne pas toucher aux meilleurs terroirs et de pouvoir conserver des droits pour accompagner un éventuel redémarrage du marché ', précise- t-on à la fédération.