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Investisseur, 'j'ai découvert le cycle des saisons'

La vigne - n°137 - novembre 2002 - page 0

Hans Walraven, ancien importateur néerlandais, a acheté un domaine dans le Languedoc en 1995. Il a su trouver un équilibre entre la nécessité d'investir et celle de gérer sainement. Il a découvert le travail au rythme des saisons. Une révélation.

'J'ai toujours dit qu'il ne faut pas être producteur car, financièrement, c'est un trou sans fin, et voilà. ..', s'amuse Hans Walraven, ancien grand importateur de vins aux Pays-Bas, en montrant son domaine de La Jasse, à Combaillaux (Hérault). Pendant trente ans, son métier de négociant l'a amené à sillonner les vignobles de France, et plus particulièrement ceux de Bordeaux. ' Je rédigeais une lettre destinée à mes clients avec des commentaires de dégustation à l'aveugle. A partir de 1985, quand les grands crus bordelais sont devenus plus chers, mes clients m'ont demandé de leur trouver des vins plus accessibles, pour une consommation de semaine. C'est ainsi que je me suis intéressé au Languedoc, où le vin avait le défaut d'être très irrégulier d'une année sur l'autre. Pour résoudre mon problème d'approvisionnement, mais aussi par goût d'investir, j'ai acheté un domaine de 100 ha de vignes en 1995, tout en restant importateur ', dit-t-il.
Son objectif : élaborer un vin comparable au château Lynch-Bages, l'un de ses médocs préférés. Pour y parvenir, il tire parti de la souplesse de la réglementation des vins de pays. ' Ici, on est plus libre au niveau des cépages, poursuit-il. J'ai donc restructuré les vignes, arraché le cinsault et planté du cabernet sauvignon avec des clones de Pauillac, en Gironde. J'ai pris le temps de connaître le terroir du domaine construit par des Pieds Noirs courageux qui avaient défriché la garrigue, ce qui donne des vins bien charpentés. Même si j'ai une idée très précise du vin que je souhaite élaborer, je ne veux pas copier à la lettre ce que font les grands crus bordelais. ' Bien qu'il ait toujours travaillé de façon étroite avec les vignerons, Hans Walraven admet que les débuts furent plus déroutants que prévu : ' Je pensais bien connaître le vin, en tant qu'observateur, acheteur et dégustateur. Mais quand on se retrouve au milieu d'une vigne, c'est autre chose ! '

Outre l'apprentissage du travail de la vigne, les besoins en financement figurent parmi les soucis des premières années. En plus de l'acquisition, Hans Walraven a investi 4,6 Meuros dans le chai, les plantations et la rénovation des bâtiments. ' Quand j'ai créé ma société de négoce dans les années 70, je n'y ai pas mis d'argent. Pour un investisseur qui débute dans le milieu viticole, le grand risque est de ne pas savoir s'arrêter dans les dépenses. La vraie question à se poser, c'est : quand faut-il commencer à fermer le porte-monnaie ? Dans la production, il y a toujours des améliorations à apporter. Or, la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous. Il faut avoir un vignoble à beau potentiel pour générer de l'argent . '
Le plaisir l'emporte toutefois largement sur les difficultés liées aux impératifs d'une saine gestion. Hans Walraven a trouvé bien plus qu'une activité supplémentaire dans le métier de viticulteur : un équilibre inconnu jusqu'alors.
' Avant, quand j'étais dans les affaires, je pouvais faire la même chose tous les jours. Un viticulteur, lui, ne peut faire ses différents travaux qu'une fois par an selon le cycle végétatif de la vigne et la météo. J'ai appris le rythme des saisons, ce que je n'avais encore jamais vraiment expérimenté et cela apporte beaucoup d'harmonie dans ma vie. '
Hans Walraven a cédé sa société d'importation de vins aux Pays-Bas en 1999. Puis il a acheté le domaine de Montlobre, voisin de celui de La Jasse, la même année. ' Là, j'avais le sentiment de devenir vraiment un investisseur. Avec 45 ha de vignes en plus, des bâtiments à rénover et des nouveaux marchés à trouver, car je n'avais plus le débouché de ma société néerlandaise, je passais un nouveau cap. '

Tout en ayant cédé son affaire aux Pays-Bas, il continue de résider là-bas où vit sa famille et passe une semaine par mois en France. Un oenologue régisseur, Bruno Le Breton, dirige sur place une équipe de treize personnes. Habiter à plein temps dans le Sud n'est pas d'actualité. ' Comme cela, cela me laisse un désir. C'est important d'avoir des désirs dans la vie... ' Avec un emploi du temps partagé entre la France et les Pays-Bas, il n'a pas l'opportunité de participer aux organisations professionnelles, ce qui ne lui manque pas trop. ' Je n'aime pas être dans un club. Et puis, je ne partage pas la philosophie d'une partie des vignerons français qui s'abritent un peu trop facilement derrière une appellation d'origine contrôlée ou un vin de pays. Il y a quelques locomotives, et le reste des producteurs profitent des efforts d'un petit nombre. Aux Etats-Unis, les producteurs se sentent plus responsables de la qualité de leurs vins. '
S'il ne s'implique pas dans la vie syndicale, c'est aussi parce qu'il ne se sent pas vigneron à part entière. ' Les gens qui investissent dans un domaine se disent vite vignerons, alors qu'ils ont souvent acquis le domaine pour le style de vie, la piscine et le soleil. Je trouve cette démarche malhonnête vis-à-vis des vrais producteurs. Je vois parfois des collègues, étrangers eux aussi, qui conduisent un tracteur de temps à autre. En fait, ils s'amusent un peu. Personnellement, j'ai repris ces domaines par plaisir, mais pas pour m'amuser, car les investissements sont lourds. C'est pour cela que je me définis plus comme un investisseur. ' Pourtant, à l'entendre parler de son vin dans la superbe chapelle rénovée qui abrite des fûts de chêne, on le ferait volontiers entrer dans la famille des vignerons...



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