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Vignerons-négociants, ' nous devons gagner la confiance de nos livreurs '

La vigne - n°137 - novembre 2002 - page 0

Aucun de nos partenaires ne doit avoir de souci à cause de nous , proclament Jean-Victor Schutz et André Ruhlmann. Forts de ce principe et de leur volonté de rester ancrés dans le vignoble, ils ont su gagner la confiance de leurs livreurs et réussir dans leur métier de vigneron-négociant.

Vigneron-négociant. C'est en ces termes qu'André Ruhlmann et Jean-Victor Schutz, respectivement 38 et 41 ans, se définissent le mieux. Les deux beaux-frères se souviennent du temps récent où ils étaient vignerons-récoltants, à la tête de 7 ha à Dambach-la-Ville (Bas-Rhin). Le manque de vin les a poussés, en 1996, à adopter un statut de propriétaire-négociant. Le capital de l'entreprise reste familial, comme c'est le cas dans la plupart des maisons de négoce alsaciennes.
La maison Ruhlmann-Schutz a développé simultanément son vignoble et ses approvisionnements extérieurs. ' Au départ, on nous a observés. On nous a testés en livrant deux ou trois tonnes seulement. La confiance de nos livreurs n'est venue que petit à petit ', indique Jean-Victor Schutz. Les deux beaux-frères l'ont gagnée à la force de leur capacité de conviction. Ils ont commencé par expliquer leur démarche à leurs connaissances, parmi lesquelles des vignerons membres, comme André Ruhlmann, d'une association de musique. Ils ont su les convaincre, puis conserver leur confiance en étant toujours ' carrés ' sur les pesées et en payant en temps et en heure les sommes convenues.

L'adhésion de quelques vignerons reconnus comme des leaders par leurs pairs a entraîné celle des autres. Le succès de leur entreprise et leur volonté de réceptionner des raisins entiers les ont motivés à porter leur capacité de cuverie à 4 500 hl, et à investir dans un conquêt peseur d'une grande précision qui épargne le passage sur le pont bascule communal à la fiabilité jugée un peu hasardeuse. ' La précision des pesées, c'est primordial dans le cadre d'une transaction commerciale ', explique André Ruhlmann. Sur elle repose la confiance. Pour fidéliser ses livreurs, l'entreprise offre également plusieurs services : elle met à leur disposition trois remorques basculantes et elle leur propose le passage gratuit, avant la récolte, d'une effeuilleuse conduite par l'un de ses onze salariés.
En 2002, la maison a vinifié les raisins des 20 ha de son propre domaine et la production de 40 ha livrés par vingt-cinq apporteurs. 80 % sont situés à moins de dix kilomètres. Dès 1997, la maison décidait de se passer, autant que faire se peut, de l'achat de vin en vrac. ' C'est la hantise. On prend souvent ce qu'il y a sur le marché. Et le style de vinification de chacun ne correspond pas forcément à ce que l'on recherche. Aujourd'hui, l'achat de vrac n'est plus que ponctuel ', signalent les deux hommes.
' Notre préférence va à une vendange manuelle livrée en bottiches, pour laquelle est prévue une prime de 0,05 à 0,15 euros/kg selon le cépage. Mais de plus en plus d'apporteurs récoltent à la machine parce que c'est plus simple et plus rentable. Nous ne pouvons pas être contre ', explique André Ruhlmann. La moitié des apports passe par deux courtiers, ' parce qu'il faut jouer le jeu et qu'on ne peut pas être partout à la fois '. Les contrats de livraison écrits noir sur blanc sont l'exception. ' C'est davantage un partenariat, un contrat moral ', précise André Ruhlmann qui se charge des relations avec les livreurs. ' Les contacts sont permanents, tout au long de l'année. On se croise dans les vignes. On discute. Cela reste convivial. A la base, nous restons vignerons. Nous ne sommes pas devenus des négociants en costume-cravate. C'est cela qui plaît à nos apporteurs. '

La discipline imposée aux livreurs se limite au respect des règles d'apport lors des vendanges (un cépage ou deux maximum). A la vigne, ' c'est la manière de conduire mes propres parcelles qui sert de modèle ', signale André. Pour l'instant du moins. Un cahier des charges est sans doute pour bientôt ' parce qu'il faut faire de la qualité, travailler à l'image de marque '. De là à obliger les apporteurs à planter à une densité de 6 500 pieds/ha, comme il le pratique, il y a un pas qu'il ne franchira pas. En revanche, il n'hésite pas à conseiller les cépages à planter en tenant compte du terroir.
Sur le plan commercial, le négociant a diversifié ses circuits de vente en travaillant l'exportation et la grande distribution. Cette dernière ' a mauvaise réputation. Mais il suffit de voir tous ceux qui y vendent leurs vins ou qui veulent y rentrer pour se convaincre de son intérêt, poursuit Jean-Victor Schutz. Un transfert de comportement d'achat s'opère au bénéfice de la grande distribution. Et le phénomène s'accentue. Il y a dix ans, les foires aux vins n'avaient pas l'importance qu'elles ont aujourd'hui. Il a fallu deux ans pour obtenir le premier référencement en rayon. Savoir comment approcher les grandes enseignes, comprendre comment elles fonctionnent, cela prend du temps. '
Son premier rendez-vous avec un acheteur reste clairement dans sa mémoire. ' Nous nous sommes présentés à deux. Eux qui avaient l'habitude de ne voir que des commerciaux ont été étonnés qu'un vigneron vienne les démarcher . ' De quoi cultiver l'image de négociant ' un peu atypique ' qui n'est pas pour déplaire aux deux hommes.



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