ImprimerEn Champagne où le raisin est très recherché, les négociants multiplient les échanges ludiques et techniques pour entretenir une relation étroite et fidèle avec leurs apporteurs. C'est aussi le cas à Bordeaux, mais de manière moins poussée.
Rémunération et respect des engagements restent les piliers de la relation entre vignerons et négociants. Mais les à-côtés prennent de plus en plus de place. C'est surtout vrai en Champagne où, historiquement, les liens entre le négoce et la production sont assez étroits. De plus, en raison de la bonne tenue des marchés, les négociants sont à la recherche de raisins. Ce n'est malheureusement plus le cas dans beaucoup d'autres régions. ' Nous souhaitons développer nos contrats en place et trouver de nouveaux partenaires, confirme Jacques Peters, directeur vignes et vins chez Veuve Cliquot à Reims. Je privilégie la confiance à l'argent. Nous ne sommes pas les plus généreux, mais je connais toutes les personnes avec lesquelles je signe un contrat. Et nous en avons signé neuf cents en 2004 . ' Chez Veuve Cliquot, le service des relations avec le vignoble veille à ce que chaque livreur de raisin sous contrat soit invité, avec son conjoint, au moins une fois tous les trois ans sur le site. Au programme : visite des caves, petite conférence et repas. La maison organise aussi des voyages au Sitévi, au Vinitech et au Salon international de l'agriculture.
' Nous faisons payer ces sorties à prix coûtant. C'est moins cher que de s'y rendre seul, explique Jacques Peters. Mais surtout, le but de ces voyages est que les vignerons tissent des liens entre eux. Je suis heureux d'avoir permis des échanges et fait naître des amitiés entre des viticulteurs de crus différents. ' Veuve Cliquot organise également un voyage tous les ans dans un vignoble étranger : l'Afrique du Sud en 2004, l'Italie en 2005, l'Australie et la Nouvelle-Zélande en 2006. ' Un mois après le retour, nous organisons un repas pour que les participants aient l'occasion de se revoir, poursuit Jacques Peters. Toutes ces manifestations consolident les relations amicales. Nous prenons plaisir à nous retrouver. Cela génère obligatoirement de la fidélité. '
Toujours en Champagne, les maisons de négoce Moët & Chandon, Mercier et Ruinart, réunies au sein du groupe LVMH, ont elles aussi mis en place un service dédié aux relations avec les apporteurs il y a deux ans. ' Nous souhaitons que les livreurs sentent qu'ils font partie de la famille, souligne Yann du Bourblanc, responsable des relations du vignoble. Cela passe par un échange à la fois convivial et instructif. ' Une enquête a été réalisée début 2005, à la demande de Moët & Chandon, auprès de 600 vignerons, dont seulement 150 partenaires. Elle a montré que ce négoce manque de présence sur le terrain. L'équipe Stratégie amont vient donc d'être étoffée pour faciliter le dialogue avec les livreurs actuels et les livreurs potentiels. En plus de la dégustation des vins clairs et des réceptions dans les sites prestigieux du groupe, Moët & Chandon développe des manifestions festives : invitation à la finale de rugby Biarritz contre Stade français en juin 2005, lancement de deux fêtes de la Saint-Jean dans les jardins de l'Orangerie, à Epernay, avec cocktail et spectacle, etc.
Mais la grande originalité de l'entreprise est de proposer une large palette de services à ses livreurs. Le message est simple : ' Si vous avez un problème, appelez-nous ! ' Les questions peuvent concerner des problèmes techniques, mais aussi la gestion de l'exploitation, la fiscalité, la transmission du patrimoine, etc. L'objectif de Moët & Chandon n'est pas de remplacer les conseillers de gestion et de patrimoine. La maison propose d'apporter un éclairage différent, grâce aux compétences et expériences de ses cadres, sur une problématique donnée.
A Bordeaux, les négociants entretiennent aussi les relations en amont. Mais la fidélité de leurs fournisseurs n'est plus un souci majeur pour eux. ' La dimension humaine de notre relation passe en premier lieu par le respect de nos engagements, surtout dans la période actuelle , analyse Christophe Mangeart, directeur de la qualité chez Yvon Mau. Nous développons une dynamique de groupe à travers différentes actions. Nous proposons des formations pour les vignerons et leurs salariés sur la taille, la fertilisation, etc. C'est un moment d'échanges important entre les vignerons, qui découvrent des manières de procéder différentes chez leurs voisins. Nous organisons une à deux fois par an des dégustations de vins extérieurs à notre région et provenant parfois de l'étranger. '
' De même, nous proposons à nos partenaires de rencontrer nos équipes commerciales pour leur faire prendre conscience des exigences des acheteurs. Les vignerons font déguster leurs vins à notre force de vente, ce qui permet des échanges concrets. La publication de notre bulletin technique, une à deux fois par semaine, constitue également un lien fort et actif. Par ailleurs, une soixantaine de vignerons partenaires est invitée à la fête d'Yvon Mau, comme tous les salariés de l'entreprise. Nous avons des projets d'ouverture vers l'extérieur, comme la visite d'autres entreprises ou d'autres secteurs d'activité, pour s'inspirer d'elles ou pour fédérer nos fournisseurs. Mais ce n'est pas encore à l'ordre du jour ' , poursuit-il.
Dans le groupe Dulong, à Floirac (Gironde), les relations avec l'amont font aussi l'objet d'une attention soignée. ' Avec les cinq vignerons qui adhèrent à notre charte de qualité, nous avons des relations de partenariat très proches, qui datent de plus de trente ans pour certains. Nous voulons entretenir l'esprit de groupe pour qu'ils tissent des liens entre eux et qu'ils se contactent en direct ', explique Vincent Cachau, responsable technique. Les autres apporteurs ne sont pas oubliés : en janvier et février, ils sont invités avec leurs conjoints à une journée où l'entreprise fait le point sur la campagne écoulée, suivi d'une dégustation des vins et d'un repas. Un programme minimal en ces temps difficiles !
