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Le Beaujolais réduit son offre pour assainir son marché

La vigne - n°139 - janvier 2003 - page 0

Sous l'impulsion de l'interprofession, la région a retiré 115 000 hl du marché en août 2002 et a réduit ses rendements. Ces mesures contribuent au bon démarrage de la nouvelle campagne.

Habitué à être sous le feu des projecteurs chaque troisième jeudi de novembre, à l'occasion de la sortie de ses vins primeurs, le vignoble du Beaujolais a fait l'objet de nombreux articles dès juin 2002. Il se serait bien passé de cette publicité inopportune. Les stocks à la propriété étant trop importants, l'UIVB (Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais) venait de décider de retirer 100 000 hl du marché avant la nouvelle récolte. ' Les dernières années ont été difficiles pour un grand nombre de vignerons et, au fil des ans, les stocks se sont accumulés , analyse un acheteur. La situation n'était plus tenable et il fallait trouver une solution concrète pour vider les cuves . '
Avant l'été, l'UIVB a donc proposé aux vignerons de se séparer de leurs excédents en échange de 68,8 euros/hl, soit 149 euros/pièce de 216 l, le cours moyen du beaujolais se situant entre 320 et 330 euros/pièce. L'offre, qui ne couvre que la moitié des coûts de production, était accessible à toutes les AOC du Beaujolais, sans plafond. Pour financer ce retrait, dont le budget s'est élevé à 8 Meuros, l'UIVB a sollicité l'Etat, ce qui ne fut pas du goût des autres AOC.
Le bruit a couru - démenti par l'interprofession - d'une demande à bénéficier des aides à la distillation de crise, le contingent national n'ayant pas été atteint. Or, seuls les vins de table et les vins de pays sont éligibles à ces aides. Le principe immuable selon lequel les AOC sont autonomes, et vivent sans aide de l'Europe ou de la France, risquait d'être sérieusement écorné.

Malchance du calendrier, l'annonce du plan de retrait est intervenue pendant le congrès de la Cnaoc, engendrant une poussée de fièvre collective. René Renou, président de l'Inao, avait alors rappelé que la stratégie des AOC en période de crise devait être claire : ' Auprès des administrations, notre ligne politique est de prétendre nous autogérer. Si les appellations sollicitent des aides pour distiller, quelle sera notre crédibilité ? '
Les professionnels du Beaujolais ne s'attendaient pas à cette opposition généralisée, d'autant ' que nous sommes certainement à la veille de voir d'autres AOC nous rejoindre dans cette démarche de retrait ', précisait Maurice Large, président de l'UIVB. Vécue par certains vignerons comme un manque de solidarité, perçue par d'autres comme du snobisme, la position des autres AOC n'a pas facilité le retour à un climat de sérénité et de confiance, déjà bien mis à mal. La crise économique vécue par d'autres AOC (Bergerac, Mâconnais...) a certainement incité l'Etat et les instances professionnelles nationales à adopter une ligne dure. ' Aider le Beaujolais aurait ouvert une brèche à tous les vignobles en difficulté , commente un responsable professionnel. L'Etat ne pouvait pas se le permettre. '

La démarche de retrait s'est soldée, à la mi-août, avec un volume global de 115 000 hl (8 % de la production totale), comprenant 95 000 hl de beaujolais, 19 400 hl de beaujolais villages et 600 hl de crus. Des contacts ont été pris auprès d'industriels pour valoriser ces vins et financer une partie du plan. A ce jour, 110 000 hl ont trouvé un débouché. A priori, 30 % de ces vins auraient été achetés par des vinaigriers français à un prix de 0,18 euros/l, le reste étant destiné à des vinaigriers italiens. L'UIVB reste d'une discrétion absolue sur ce sujet. ' Ils verrouillent l'information par crainte des journalistes, avance un courtier. Même les vignerons n'ont pas d'idée précise sur le devenir de ces vins. Je ne suis pas certain que ce manque de transparence soit un bon calcul, car le monde viticole est toujours soupçonné de faire des tours de passe-passe avec ses vins tantôt AOC, puis soudain vin de table. Pourquoi ne pas assumer jusqu'au bout une décision qui s'est avérée bénéfique ? '
Pour être efficace et permettre au vignoble de sortir de la crise, ce plan s'est accompagné d'un abaissement des rendements autorisés pour la vendange 2002. Le rendement des beaujolais est ainsi passé de 64 à 58 hl/ha, celui des beaujolais villages de 60 à 57 hl/ha. Les crus ne sont pas en reste. Régnié a réduit son rendement de 58 à 57 hl/ha. Chiroubles, saint-amour, moulin-à-vent, chénas et juliénas sont descendus de 58 à 56 hl/ha.
Les caprices de la météo ont, eux aussi, favorisé la diminution des volumes. Ils ont imposé la multiplication des tris à la vendange. La mise en place des commissions, à vocation pédagogique pour l'instant, vérifiant le respect des conditions de production, fut également un facteur limitant la production.

Conclusion, la récolte 2002 a été allégée de 100 000 hl par rapport à 2001, pour un volume global de 1,3 million d'hl. De quoi repartir sur des bases plus saines, comme en témoigne la bonne tenue des cours du millésime 2002. En août dernier, le cours du beaujolais était à 152 euros/pièce, contre 330 euros en décembre 2002. Certes, à la fin de l'année dernière, peu de volumes avaient été échangés à ce prix-là. Mais d'autres signaux positifs sont venus conforter la région. Les beaujolais n'ont pas connu de dépression post primeur, comme en 2001. De plus, les ventes de primeurs se sont bien déroulées, avec un volume supérieur à 450 000 hl. Un regain d'optimisme, prudent et modéré, est donc palpable.

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