Les Alsaciens se sont battus sur tous les fronts contre le classement en sites Natura 2000 de parcelles en AOC. Les choses ont bougé dans le bon sens, l'administration et la justice ayant admis des erreurs. Mais rien n'est acquis.
Entre les réunions avec les élus, les rencontres avec les pouvoirs publics et la Direction régionale de l'environnement (Diren), les recours devant les tribunaux et une manifestation dans les rues de Colmar, le dossier Natura 2000 a largement mobilisé les viticulteurs alsaciens en 2002. Leur colère grondait depuis leur prise de connaissance du zonage Natura 2000.
Le document initial, fondé sur une enquête réalisée en 1998, recense, notamment, 438 ha de pelouses identifiées comme calcicoles sur la colline du Bollenberg. Ce site, au sud-ouest de Colmar, cristallise les antagonismes entre les écologistes et les viticulteurs, car le recensement effectué englobe un peu plus de 100 ha figurant dans l'aire AOC. Le respect des contraintes Natura 2000 prévoit que la protection de la faune et de la flore doit s'y appliquer, sans se préoccuper de la nature, communale ou privée, de la propriété.
Le 9 juillet 2001, le Conseil d'Etat, saisi en référé par une association de défense de la nature, rendait une ordonnance déclarant illégal l'arrêté ministériel du 6 février 2001, qui autorisait la plantation au titre de la campagne 2000-2001 sur les parcelles du Bollenberg classées Natura 2000. Même cas de figure en février 2002 : la notification aux intéressés des droits 2001-2002 se fait attendre, l'arrêté interministériel tardant. La coupe est pleine.
' La viticulture prise en otage par Natura 2000 ', annonce, en mars, La Revue des vins d'Alsace, le mensuel édité par l'Association des viticulteurs d'Alsace (Ava). Gérard Boesch, président du syndicat, dénonce pour sa part ' une étude scientifique partisane, approximative et bâclée '. Pour preuve, le zonage qui recense les pelouses calcicoles à protéger comprend, entre autres..., des potagers, un cimetière et un parking asphalté !
' La pression des associations écologistes a conduit à une surenchère de surface revendiquée. Pourquoi 25 % du territoire du Haut-Rhin sont-ils retenus Natura 2000, alors que ce taux n'est que de 18 % en Alsace et de 7,5 %, en moyenne, en France ? Sous prétexte qu'il y a des situations intéressantes, on veut tout figer. La viticulture est excédée. Elle ne fait pas d'obstruction gratuite, mais elle défend le principe d'un zonage acceptable qui permette la poursuite de l'activité viticole dans des conditions normales. ' Ce discours est martelé partout, sur tous les tons, jusque dans la rue, sous les fenêtres du préfet, à Colmar, le 15 mars 2002, par plus de 600 agriculteurs, dont une majorité de viticulteurs. C'est le pic de la crise, et le coup de sang de la profession donne le signal de la ' remise à plat ' demandée. Une commission de contre-expertise est nommée. Elle consulte et se rend sur le terrain à Soultzmatt, Westhalten et Rouffach à partir du mois de mai. A la même période, le Conseil d'Etat statuant sur une contestation des droits de plantation 2001-2002, prend en compte les nombreuses imprécisions de la classification en ' pelouses sèches ' du Bollenberg. Il rejette la demande de suspension des droits de plantation posée par l'Association sauvegarde faune sauvage. Ces deux avancées majeures montrent que la tendance s'infléchit. De plus, la profession reçoit l'assurance qu'on lui communiquera les contraintes en vigueur dans le futur périmètre Natura 2000.
' Tout le monde reconnaît enfin les aberrations du zonage initial. L'implication du préfet Paul Masseron a été déterminante. C'est fort de la part d'un haut fonctionnaire qui a sommé l'administration de dire si, oui ou non, il y a eu erreur dans l'expertise initiale ', se félicite Gérard Boesch. En coulisse, les premiers travaux de la commission de contre-expertise laissent entrevoir les trois assurances qui seront consenties aux viticulteurs. Tout d'abord, les vignes en place ne seront pas remises en cause. Ensuite, les terrains plantés par le passé seront définitivement destinés à la vigne. Enfin, l'administration a reconnu qu'il n'y a pas de promontoire siliceux dans l'aire AOC. Cet élément, résultat d'un travail commun entre la Diren et l'Inao, efface la menace d'une emprise de ces zones dans les parcelles à vigne avec les contraintes en découlant. En contrepartie, les viticulteurs s'attendent à ce qu'il y ait des zones où ils devront composer avec des contraintes et que le statut de pelouses sèches soit reconnu à une partie du territoire. Des perspectives que ' les viticulteurs se sont toujours déclarés prêts à accepter '. La remise du rapport de la commission de contre-expertise était prévue en octobre. Des réunions pourtant programmées n'ont pas eu lieu et, mi-décembre, les viticulteurs n'avaient toujours rien vu venir. Pas de document d'objectif (DOCOB) qui doit définir l'usage possible des terrains classés. Pas non plus d'informations sur le nouveau périmètre retenu. ' Les experts ont du retard, constate placidement Gérard Boesch. Les viticulteurs regrettent que tout cela mette autant de temps. Mais la balle n'est pas dans leur camp. ' En attendant, ils ' restent sur leurs gardes '. Comme ils l'étaient il y a un an déjà. A une grosse différence près : aujourd'hui, ' l'ambiance est beaucoup plus sereine '.