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Provence, la vie en rose et l'entrée en zone rouge

La vigne - n°139 - janvier 2003 - page 0

Dans un contexte national enclin à la morosité, les appellations de Provence voient la vie en rose. Sur le marché du vrac, les cours progressent, voire s'envolent. Reste à savoir si le consommateur suivra...

Grâce à la couleur de leur vin, Côtes de Provence, Coteaux d'Aix et Coteaux Varois font l'objet d'une forte demande. Le bilan des ventes en grande distribution sur la campagne 2001-2002 constitue un bon indicateur. Toutes catégories confondues, les vins rosés ont été les seuls à progresser en volume (0,8 % avec 1 700 000 hl). En valeur, ils ont enregistré la plus forte hausse (3,3 % à 441 millions d'euros). En répartition par couleur, le rosé se place en deuxième position avec 17 % de parts de marché en volume, derrière les rouges (68 % de PDM), mais devant les blancs (un peu plus de 15 %).
A écouter les responsables d'achats, le rosé a le vent en poupe parce que c'est un vin simple. ' Les néophytes qui ne savent pas s'il faut acheter un rouge ou un blanc coupent la poire en deux avec un rosé ', explique l'un d'entre eux. ' L'image estivale plaît. Les jeunes en sont friands et l'adoptent à l'apéritif... ', poursuit un autre. Bref, le rosé - surtout celui d'appellation - est très ' tendance '. Avec 76 % de ses vins produits dans cette couleur, la Provence viticole profite pleinement de la vogue. Alors que la campagne 2000-2001 avait été marquée par un record de volumes échangés sur le marché du vrac, celle de 2001-2002 a enregistré une envolée du cours du côtes-de-provence rosé. Cette inversion de tendance s'explique par des disponibilités en recul (stocks en baisse de 17,5 % à fin juillet 2002, et récolte 2002 agréée en retrait de 4 %), et une demande boostée par la grande distribution.

A fin juillet 2002, l'appellation affichait un prix moyen pondéré de 109 euros/hl. La tension à la hausse a été marquée sur le dernier trimestre de la campagne avec des ventes conclues à plus de 122 euros/hl. Par la suite, cette envolée ne s'est pas démentie. L'Onivins d'Avignon rapporte des ventes sur souches, cet été, comprises en 115 et 122 euros/hl. ' Du jamais vu à ce niveau de prix ', soutient un responsable de la coopération. A la mi-décembre, les choses ne semblaient pas devoir se calmer. ' L'an passé, le négoce a rogné sur ses marges. Cette année, il va devoir répercuter la hausse sur ses acheteurs. La question est de savoir comment le consommateur va réagir face à une augmentation des étiquettes sur les linéaires ', explique un courtier. La plupart des professionnels estiment que l'année 2003 sera donc l'année test.
A discuter dans le vignoble, on observe deux grands courants de pensée. Les optimistes estiment que le côtes-de-provence rosé est en phase avec les nouveaux modes de consommation. Selon eux, on ne devrait plus trouver de rosés ' à moins de 112 euros/hl en vrac pour les prochaines années '. Les pessimistes font valoir que la hausse actuelle entraîne un déréférencement de l'appellation dans le hard discount. Or, ce circuit représente entre 10 et 15 % des volumes. Ces vins ne trouvant plus de débouchés risquent d'alourdir le marché. Les partisans de ce second courant craignent un retour de bâton plus douloureux.
Dans une moindre mesure, la fièvre des côtes-de-provence gagne également les coteaux voisins, ceux du Var et d'Aix-en-Provence. Les premiers se sont échangés sur le marché du vrac des rosés entre 79 et 84 euros/hl sur 2001-2002 et débutent 2002-2003 à presque 91,5 euros/hl. Comme chaque année, les Coteaux d'Aix-en-Provence ont convié leurs acheteurs pour discuter d'un prix indicatif souhaitable pour 2002-2003. La réunion s'est tenue le 22 novembre. Les partenaires se sont mis d'accord sur une hausse modérée, de 5 % sur l'année, soit un plafond de 105 euros/hl. Or, une semaine plus tard, la bourse d'Avignon cotait déjà le coteaux-d'aix dans une fourchette comprise entre 101 et 105 euros/hl ! Aujourd'hui, l'appellation mise sur l'essor des rosés. Cette couleur est devenue majoritaire au début des années 90. Pour la prochaine décennie, la production parie encore sur ces vins. ' Nous avons fixé notre objectif à 250 000 hl d'ici à cinq ans, contre 200 000 hl aujourd'hui ', explique Michelle Nasles, présidente du syndicat.

Si pour les producteurs des Coteaux d'Aix, le développement suppose une progression de la production, pour les vignerons des Côtes de Provence, il passe par l'aboutissement de la hiérarchisation. ' Ce dossier est essentiel pour conforter l'essor de l'appellation, explique un important metteur en marché. Aujourd'hui, nous faisons face à une aberration. Nous trouvons des génériques à 122 euros/hl et des cuvées spéciales à 137 euros. Or, dans ces cas-là, l'écart qualité est plus grand que le différentiel de prix . ' Plus que la hausse constatée sur le marché du vrac, c'est ce manque de segmentation qui inquiète les professionnels. Certains n'hésitent pas à relever que ' face à un écart de prix, le consommateur a toujours l'impression que l'arnaque se trouve derrière l'étiquette la plus élevée. Or, en période de flambée des cours, le risque d'abus est beaucoup plus fréquent dans le bas de la fourchette. Il y aura toujours des petits malins qui font monter les enchères sur des vins qui ne le méritent pas '. Et de conclure : ' Ce sont de tels comportements qui plombent l'image de l'AOC... '

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