Imagine-t-on que 10 à 20 % des bouteilles d'eau minérale aient un goût de chlore ? C'est la proportion d'AOC, vendues en grande surface, que les dégustateurs du suivi en aval de la qualité jugent insatisfaisante. Ces vins sont soit maigres, soit oxydés, soit pollués par des mauvais goûts, souvent de bouchon. Imagine-t-on que 60 % des Français ne comprennent rien aux professionnels du lait quand ils parlent d'UHT ou de demi-écrémé ? D'après un sondage récent, ce sont autant de nos concitoyens qui perdent pied lorsque les sommeliers ou les oenologues parlent du vin. Et l'on s'étonne après cela de perdre des consommateurs ?
Pourtant, il n'y a aucune fatalité à traîner ces deux faiblesses. Personne n'est condamné à produire des vins maigres, oxydés ou pollués par des mauvais goûts. Il faut maîtriser la charge des vignes. Il faut se départir des réticences à lutter contre la pourriture grise. Il faut sulfiter sans excès, mais sans hésitation non plus, car le SO 2 est moins dangereux que certains ont bien voulu le dire. Rien de tout cela n'est infaisable, pour peu que l'on s'attache davantage aux faits qu'à une vision idéale de la nature. La maîtrise des défauts liés aux bouchons est moins évidente. Il faudra soumettre les bouchonniers à une pression croissante afin qu'ils continuent de progresser. Pour soigner notre manque de simplicité, nos concurrents du Nouveau Monde nous montrent la voie : ils se contentent de communiquer sur le cépage et la marque des vins destinés aux marchés de masse. Ils annoncent ainsi un style et en garantissent la régularité.
Et cela suffit à un large public et n'empêche pas des amateurs, plus curieux ou plus sophistiqués, de réclamer de la diversité telle qu'en proposent les AOC ou certains vins de pays. Avons-nous les moyens de continuer à l'ignorer ? Non, sauf à se préparer à de nouveaux arrachages.