'En 2002, tous les problèmes liés à la surproduction, depuis 2000, sont devenus visibles. ' C'est ainsi que Joe Ciatti, l'un des plus importants négociants opérant en Californie, résume la situation de cet Etat américain. Raisins non récoltés ou vendus en dessous du coût de production, arrachage de vignes, rachat de petits producteurs et chute des prix du vin : c'est toute l'industrie viticole qui a subi le choc des excédents. Les agriculteurs étaient en première ligne. Pour beaucoup d'entre eux, 2002 fut la première année où ils n'ont pas vendu toute leur production. Les cuves et les caves étaient encore pleines des deux millésimes précédents.
Seuls les viticulteurs de Napa et Sonoma ont tiré leur épingle du jeu, grâce aux contrats à prix garantis. Le prix moyen des raisins de la Napa Valley a même légèrement progressé (+ 4 %, à 2 938 dollars la tonne), malgré une baisse des cours sur le marché libre.
Les vignobles de Central Coast sont moins réputés, et seuls les raisins de très bonne qualité se sont vendus à bon prix. Malgré une récolte inférieure de 30 à 40 % aux prévisions, le reste est parti à des prix souvent inférieurs aux coûts de revient. Certains producteurs n'ont touché que le niveau dérisoire du marché du moût concentré : 65 dollars la tonne.
La Central Valley a subi le revers le plus important, avec une récolte supérieure aux prévisions. Beaucoup de raisins n'ont pas été cueillis, une large proportion est partie vers la production de moûts concentrés et le prix moyen a perdu 9 % (338 dollars la tonne).
Dans les régions peu prestigieuses, de nombreux agriculteurs ont abandonné la culture de la vigne. Au total, entre 22 200 et 30 300 ha ont été arrachés cette année, alors que le vignoble couvre près de 230 300 ha en Californie. Le rythme de plantations nouvelles s'est ralenti (-18,2 % entre 2000 et 2001). Malgré ce freinage conséquent, 16 % du vignoble californien est planté de jeunes vignes qui n'ont pas encore porté de récolte.
Les producteurs de vin ont mieux résisté à la tempête. Les plus petites entreprises ont rejoint les grandes, et il n'y a finalement eu que trois mises en faillite (en Napa). Il s'agit désormais de revoir la croissance à la baisse, après dix ans de développement hyperbolique. ' C'est un marché fortement soumis aux fluctuations des tendances, avec un temps de retard important. On en est probablement à la moitié de la période de crise ', prédit Cyril Penn, rédacteur en chef du Wine Business Insider. Une approche optimiste, alors que certains ne prévoient de reprise que dans cinqans.
Cependant, elle pourrait bien se confirmer. La baisse des prix du vin a été répercutée aux consommateurs. Ainsi, elle a permis d'écouler de nombreux stocks et de créer une nouvelle demande. Les acheteurs de vrac semblent enfin se réveiller. Selon l'analyse de Joe Ciatti, une simple reprise économique aurait un effet immédiat grâce au bas niveau des stocks et à la faiblesse du dollar. Mais il ajoute : ' A condition que la récolte 2003 ne soit pas trop importante '.
EXCEDENTS
En Californie : l'Institut du vin (Wine Institute), une organisation qui représente 624 wineries californiennes, estime qu'il y a 10 à 15 % de surproduction. La récolte 2002 fut la plus importante après celle de 2000.
En France : avec 52 millions d'hectolitres, la récolte est la plus basse depuis 1991. Ce déficit a soulagé les marchés des vins de pays et de table.