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Suisse alémanique

La vigne - n°143 - mai 2003 - page 0

Spécialisé dans le pinot noir et centré sur son marché local, le petit vignoble de la Suisse alémanique se met à élever des vins en fûts et élargit sa gamme.

Les flancs de coteau et les fonds de vallée qui se prêtent à la culture de la vigne sont denrée rare dans tout le nord de la Suisse. Les vignes y couvrent un peu moins de 3 000 ha, soit 20 % du potentiel national. Cependant, chaque canton germanique revendique sa part du gâteau. De Zurich, le vignoble le plus important avec 640 ha, jusqu'à Zoug, le plus modeste avec... 30 ares. Là, comme ailleurs, le pinot noir domine et ce, depuis toujours. Il représente 75 à 80 % de l'encépagement.
Les rouges traditionnels ont directement subi la concurrence des vins étrangers et le goût des consommateurs pour la diversité. ' Ces quinze dernières années, les ventes ont diminué de 20 % ', confirme Beat Hedinger, directeur du Syndicat des vins de Schaffhouse, une zone de 500 ha, à l'ouest du lac de Constance. ' Dans les années quatre-vingt, le marché était porteur. Personne ne se posait de questions. Ici, la majorité des viticulteurs a l'habitude de vendre du raisin. Ils se contentaient d'en produire. ' En 1990, la diminution d'autorité d'un tiers du rendement, qui tutoyait les 100 hl/ha, a marqué une rupture dans les pratiques.

Aujourd'hui, le cadre de la production s'inspire du modèle de l'AOC français. L'objectif reste de produire des vins à boire dans les deux à trois ans. ' Les vins du Nouveau Monde ont atteint leur pic. Les consommateurs achètent à nouveau nos produits. Avec des bouteilles vendues entre 5,30 et 6,60 euros chez le discounter et autour des 10 euros en commerce traditionnel, notre rapport qualité-prix est favorable ', juge Robert Rahm, directeur de Rimuss, le principal négoce du canton de Schaffhouse.
Cela fait plusieurs années que les vignobles alémaniques révisent leurs gammes. Le pinot noir a été un premier chantier. Le traditionnel, vinifié en cuve Inox, existe toujours. Mais l'élevage en barrique s'est largement développé. ' Il y a dix ans, nous n'en produisions pas. Aujourd'hui, ce vin représente 40 % de nos ventes de rouge ' , indiquent Ueli et Jürg Liesch, vignerons-récoltants dans les Grisons. Ils sont installés à Malans, dans la vallée du Rhin où le foehn, vent chaud du sud soufflant en automne, assure la maturation du raisin. Les épais murs de pierres qui protègent des parcelles calcaires et caillouteuses témoignent du temps où l'impétuosité des torrents de montagne ravageait les vignes.

Ici, le rendement n'excède pas 35 hl/ha pour le pinot noir élevé en fûts, 45 hl pour les autres vins. L'exploitation, de 6,5 ha dont 5,8 en production, vend 30 000 bouteilles par an entre 10 et 20 euros le col. S'agrandir est une utopie quand le foncier se négocie 400 000 euros/ha. L'idée serait plutôt de mettre davantage en avant le nom de l'exploitation sur l'étiquette.
Ce pas, Markus Hedinger l'a franchi en 2002 pour quatre de ses vins. Son nom apparaît maintenant à côté de Wilchingen, le nom du vignoble et du village près de Schaffhouse, où il vinifie la production de 28 ha. ' Je veux me différencier en personnifiant mes vins ', martèle-t-il. La vendange est triée, chauffée et systématiquement levurée. L'assemblage est de règle pour éviter un rouge élevé en totalité en barriques, car ' le client n'apprécie pas le trop boisé '.
Mais le salut ne saurait seulement venir du pinot noir. L'ensemble des viticulteurs le cherche tous azimuts. Le vignoble des Grisons commence à redécouvrir le completer halde, un cépage blanc planté par les Romains qui réclame la meilleure exposition pour compenser son acidité naturelle. Dans le canton de Schaffhouse, chardonnay, gewurztraminer, merlot, cabernet, cabernet-sauvignon, cabernet-dorsa ont la cote. A Maienfeld, dans les Grisons, Paul Komminoth a parié, il y a huit ans, sur la syrah. Le cépage occupe une petite place parmi 3,6 ha de vignes en propriété. Le résultat le satisfait. Mais le rendement d'à peine 20 hl/ha l'incite à réserver ces bouteilles à ses bons clients. Principale victime de toutes ces nouvelles plantations, le riesling-sylvaner (muller-thurgau) est en nette perte de vitesse.
La réputation des vins de Suisse alémanique dépasse rarement leur contrée d'origine, qui est leur débouché privilégié à 95 %. C'est en priorité sur ce marché traditionnel que chaque opérateur veut récupérer plus de valeur ajoutée. La coopérative d'Oberstammheim encourage ses adhérents à devenir des agents commerciaux auprès de leurs familles et amis. ' Chacun vend pour plusieurs milliers de francs suisses de vin par an ', précise Ernst Frei. ' Notre pinot noir colle au standard international. Mais il doit se faire un nom ', signale Ueli Liesch.

L'exportation demeure le parent pauvre de cette stratégie. Dans les Grisons, une tentative de regroupement de plusieurs exploitations pour exporter n'a pas abouti. Les viticulteurs de Schaffhouse ont, en revanche, le projet de vendre en direct aux Allemands proches de leur frontière. Leur syndicat est le premier à avoir dégagé un conséquent budget de promotion. Il se monte à 330 000 euros par an. Il est alimenté à hauteur, respectivement de 3,5 % et de 2 %, du chiffre d'affaires des viticulteurs et des grandes entreprises. Cet argent sert aussi à des actions de communication. La création d'une route des vins et d'un calendrier d'animations sont deux autres projets pour rendre la région attractive et bousculer la tradition qui veut que l'on attende le client.

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