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La France perd du terrain en Allemagne

La vigne - n°143 - mai 2003 - page 0

Frappés par la crise, les Allemands font de plus en plus attention à leurs dépenses. Ils affluent dans les ' hard discount ' où l'offre, courte, se situe entre 1 et 5 /col. L'Italie et les pays de l'Est réagissent mieux que la France à cette nouvelle donne.

Conjoncture économique oblige, les Allemands se serrent la ceinture. Résultat : ce pays est devenu, ces deux dernières années, un marché de petits prix, où les vins français subissent les assauts de la concurrence étrangère. Il y a dix ans encore, l'Allemagne était le premier client de la France. Ce temps est révolu. Depuis, c'est la Grande-Bretagne qui occupe la première place. Entre 1993 et 2001, la part de l'Allemagne dans les exportations est passée de 23,6 à 18,8 % en volume et de 18,3 à 12,6 % en valeur. Entre 2001 et 2002, les exportations françaises outre-Rhin ont diminué de 3,4 % en volume pour se situer à 2,9 millions d'hectolitres (Mhl), et de 2,1 % en valeur pour atteindre 707 millions d'euros (Meuros). Et il n'est pas impossible que cette tendance se confirme en 2003.
Pour comprendre cette situation, il faut revenir à 1989, date de la chute du mur de Berlin. ' A cette époque, soixante millions d'Allemands de l'Ouest ont accueilli dix-huit millions de compatriotes de l'Est qui voulaient acquérir le plus vite possible le même niveau de vie qu'eux , a expliqué Jacques Héon, fondateur de la première chaîne de cavistes allemande Jacques' Wein-Depot, lors du colloque Vinagora, organisé par Inter-Rhône début 2003. Mais dix ans après un transfert de 500 milliards de deutsche Mark, l'Allemagne vit au-dessus de ses moyens ! '
Pour renflouer les caisses de l'Etat, les contribuables sont appelés à la rescousse. Depuis le début de l'année, les impôts ont été revus à la hausse. Pour 1 euros gagné, les Allemands payaient déjà plus de 50 cents ! Dans ce contexte, ' faire des économies ' est devenu un réflexe national. ' Or, lorsqu'un Allemand fait des économies, il le fait toujours à fond, non pas sur l'essence, ni sur les voyages, mais sur l'alimentation ', commente Jacques Héon. Le chiffre d'affaires de la grande distribution s'inscrit donc dans une spirale à la baisse, entre 1 et 3 % de moins selon les enseignes en 2002. Du coup, pour encourager les consommateurs à venir dans leurs magasins, elles se sont lancées dans une politique de baisse des prix.
' Entre les neuf premiers mois de 2001 et ceux de 2002, les importations de vin en bouteilles n'ont pas bougé , signale Jacques Héon. En revanche, celles du vrac ont augmenté de 400 000 hl avec, pour provenance essentielle, l'Italie. Cela est caractéristique d'une pression sur les prix. '

Cette situation favorise le hard discount, Aldi (leader du marché outre-Rhin) en tête. Sa tactique consiste à proposer une gamme courte, composée de vins connus ou avec un début de notoriété et vendue entre 1 et 5 euros/bouteille. Un relevé de prix effectué le 10 janvier 2003, par Jacques Héon, dans un magasin Aldi en témoigne. La gamme compte vingt-cinq vins, dont quatre vins français parmi lesquels un beaujolais-villages 2001 à 1,99 euros, un bordeaux de même millésime au même prix, et un vin de pays d'Oc merlot à 1,75 euros. A la veille des fêtes de Noël, elle affichait un cru bourgeois et un châteauneuf-du-pape en promotion à... 4,99 euros ! Une stratégie qui fait recette. En effet, en 2002, 43 % des ménages ont effectué leurs achats dans ce type de magasin, contre 39 % en 2001 (source : GFK Consumer Scan).
Le pays est donc devenu très concurrentiel. ' Nos ventes s'effritent, reconnaît Katia Kaszak, responsable marketing de la coopérative Wolfberger, à Eguisheim (Alsace). Longtemps, l'Allemagne a été notre premier client, il s'agissait d'un débouché naturel. Aujourd'hui, nous sommes contraints de nous désengager, car nous ne sommes pas capables d'offrir des produits au prix où ils sont demandés. '

Les pays du Nouveau Monde ont certes investi la place, mais il y a aussi l'Italie qui propose des vins marketés, d'un bon niveau qualitatif à des prix compétitifs. Un nouveau type de concurrence se profile avec l'émergence des pays de l'Est (Hongrie, ancienne Yougoslavie).
Se ' couper ' du marché allemand peut cependant comporter des risques. En effet, c'est le seul pays au monde à importer chaque année plus de 10 Mhl de vin. ' Pour rester présent, il faut réagir rapidement aux variations de prix sur les produits d'entrée de gamme , indique Jacques Héon. Pour cela, il faut posséder des équipes de vente sur place. On ne peut compenser le manque de vendeurs sur le terrain par la promotion collective. Il faut monter des organisations de vente avec des Allemands. ' Le coût d'un investissement de ce type atteint 100 000 euros par an... Pour partager ces frais, certaines entreprises françaises ont choisi de se regrouper. Une présence sur place permet, en outre, de prospecter les autres circuits de distribution plus rémunérateurs.



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