Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

Quand les vignerons pansent leurs coteaux

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Malgré les tractopelles et les engins spécialisés, la récupération de la terre arrachée aux coteaux par de violents orages reste une tâche fastidieuse. Tour d'horizon du travail qui attend les vignerons.

Beaujeu (Rhône), 10 juin 2000, c'est le déluge : 160 mm de pluie tombent en deux heures. L'eau dévale les coteaux et entraîne avec elle la terre. Sur les 7 ha de vignes que compte l'exploitation de Pascal Ducruix, 2 ha sont touchés plus ou moins sévèrement. Notre vigneron s'en souvient comme si c'était hier. Les terrains étaient abîmés. Il a fallu remplacer la terre perdue. Heureusement, dans ces cas-là, les vignerons se serrent les coudes et s'entraident.
Pascal Ducruix explique comment il a procédé. ' J'ai emprunté une chenillette à mon cousin. Il s'agit d'un matériel qui a été réduit à 60 cm de large pour passer dans les rangs plantés à 1 m. Dessus, il y a un bac pouvant accueillir une charge de 200 kg. J'ai aussi loué un tractopelle. Nous étions trois, organisés de la sorte : une personne pilotait le tractopelle ; elle prenait la terre d'un pré et la mettait dans la remorque. Une autre conduisait la chenillette et épandait la terre. Une troisième égalisait à la main avec une pioche, et ainsi de suite. En tout, nous avons mis environ six jours pour tout remonter . ' Il explique pourquoi il n'a pas réutilisé la terre ravinée par l'orage. ' Etant très sableuse, elle a du mal à tenir. J'ai donc préféré passer le Rotavator dans un pré et récupérer cette terre . '

Au printemps 2002, Bertrand Minchin, vigneron à Crosses (Cher), s'est également attelé à cette tâche sur environ 1,5 ha avant d'enherber. ' J'avais des trous de 20 à 30 cm dans certains rangs ', raconte-t-il. Pour ce faire, il a utilisé un tractopelle qu'il possède en Cuma et loué un dumper, sorte de petite brouette motorisée sur chenilles ainsi qu'un Bobcat. ' Avec le tractopelle, je raclais la terre fine qui avait coulé en bas des parcelles et la mettait en tas. Puis, je reprenais la terre avec le Bobcat pour la charger dans la remorque du dumper, la remonter et la redistribuer dans les rangs. Ensuite, à deux personnes, nous avons passé deux coups de griffe. Nous avons mis six jours pour faire environ 1,5 ha. Ce système présente l'avantage d'être simple, robuste et léger. En plus, il est économique : il faut compter au maximum 200 euros/jour hors coûts de main-d'oeuvre . '
Notre vigneron précise que si la surface est importante, il est plus intéressant de faire appel à un prestataire.
L'entreprise Robineau, à Saint-Satur (Cher), propose ce type de service depuis trois ans. Elle travaille avec un tractopelle et une épandeuse. La machine épand surtout de la terre, mais aussi parfois des écorces ou du marc de raisin. Elle est prévue pour passer dans des rangs de 1,30 m de large et peut travailler dans des pentes à 40 %. Comme elle est montée sur chenille, elle passe partout et tasse peu le sol. Grâce à un système de carénage qui protège la vigne, elle peut épandre de la terre à n'importe quelle saison. En général, les chantiers débutent en février et se terminent en septembre-octobre. Une seule personne est nécessaire pour s'en occuper. Ce système permet de remonter 150 m³ de terre par jour pour un coût de 991 euros/jour tout compris. Selon la profondeur des ravines, il traite entre 15 et 20 ares/jour.

Georges Chavet, vigneron retraité à Menetou-Salon (Cher), remonte un peu de terre tous les ans - ' quand on a le temps ' - avec son fils Jean-Michel qui a repris l'exploitation. Pour cela, ils possèdent une ' remorque-enjambeuse ' et un tractopelle. Selon lui, le plus difficile est de trouver la terre, car ' le peu qu'il y a en bas des fourrières ne représente que le dixième de ce qu'il est nécessaire. Il faut donc 'guetter' les entreprises de travaux publics pour récupérer de la terre, à condition qu'elle ne soit pas trop mauvaise et qu'on ait le temps de le faire '. La remorque-enjambeuse nécessite un attelage particulier afin que les roues passent au même endroit que celles du tracteur. ' La flèche de ce dernier doit être plus longue ', précise Georges Chavet. Un tractopelle charge la remorque. Le chauffeur du tractopelle conduit ensuite l'enjambeur. Deux autres personnes sont nécessaires pour tirer la terre à la main avec une griffe.

En Champagne, Olivier Martin, vigneron à Fontaine-Denis-Nuisy (Marne), ne ramène pas la terre entre les rangs. Après un orage, il se contente de l'enlever des chemins et de la remonter en haut de la vigne avec un tractopelle. Toutefois, l'érosion dans les routes de vigne est un problème au point que son enjambeur s'incline. Elle est aggravée par l'application des chélates de fer à l'aide de coutres. Ces derniers ouvrent la terre, ce qui facilite le départ de la terre en cas d'orage. Il a donc prévu de reboucher les ravines l'hiver prochain.
Dans la région, l'entreprise Mérat, à Essarts-lès-Sézanne (Marne), propose en prestation de service, l'épandage d'un mélange d'écorces et de craie pour reboucher les rigoles dues à l'érosion. La craie sert de ' colle ' et forme une pellicule lisse. Les écorces permettent de garder l'adhérence et évite aux engins de glisser sur la craie, en plus de favoriser la vie microbienne et les vers de terre. Le coût de cette prestation est de 7,62 euros/m³. L'entreprise Mérat propose aussi l'épandage d'un mélange de terre et d'écorces, ou de terre seule.
Toujours est-il que pour éviter les plaies de l'érosion, l'enherbement est vivement conseillé là où il est possible de le mettre en place. Mieux vaut prévenir que guérir.


UN MATERIEL SPECIFIQUE
En Saône-et-Loire, la société Grosjean René Viticole, à Péronne, commercialise les Bacater, qui se déclinent sous différentes versions. Ils permettent l'épandage de terre entre les rangs. L'épandeur est soit traîné par un enjambeur ou un tracteur interligne, soit porté.
Contact : Jean-François Promonet, tél. : 03.85.36.98.36.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :