A l'exportation, Daniel Hecquet a trouvé un accueil plus favorable pour ses bergeracs qu'en France. Il a toujours géré son entreprise en ayant le souci de séduire le consommateur.
Le meilleur à la limite du possible : c'est la devise de Daniel Hecquet, du château Puy Servain-Calabre. Elle est inscrite sur les capsules de surbouchage des bouteilles du domaine. Et c'est sans doute l'un des secrets de sa réussite. A 50 ans, Daniel Hecquet est un vigneron au profil un peu particulier. ' Ce qui nous permet d'être encore dans la course, c'est d'avoir été à l'inverse de la mode . '
Il a persisté à cultiver les coteaux alors que le vignoble descendait dans la vallée. Il est resté fidèle aux blancs qui couvrent la moitié de son domaine, alors qu'ils diminuent drastiquement en Aquitaine. Puis il a conservé de fortes densités (5 000 pieds/ha) alors que depuis quarante ans, les vignes sont plantées très larges. Enfin, sa dynamique commerciale est en rapport avec sa politique de qualité. Le siège de sa propriété se trouve à Port-Sainte-Foy (Dordogne). A la retraite de son père, en 1985, il reprend le domaine de 20 ha en SCEA avec son frère, médecin. Jusqu'à son installation à temps complet, en 1990, il est double-actif. De 1979 à 1988, il dirige le laboratoire d'oenologie de l'interprofession bergeracoise et conseille près de 240 propriétés. De quoi se forger une expérience différente.
Aujourd'hui, toujours hyperactif, il règne sur les 44 ha du domaine et cumule les charges : président de la Fédération régionale des vins AOC de Dordogne et du Lot-et-Garonne, délégué au comité régional de l'Inao, membre du bureau de la Fédération des vins de Bergerac, et vice-président de l'AOC Montravel. Il s'est battu en faveur de l'AOC Montravel rouge, née en novembre 2001, première appellation à faire l'agrément après la mise en bouteilles, qui a pour vocation de faire levier sur le bergerac.
' Il importe de diriger l'entreprise avec le souci du consommateur final, affirme Daniel Hecquet. Je plante, je vinifie, je gère le domaine pour élaborer des vins que j'ai imaginés, des vins pour des marchés. Cela donne la direction. ' Sans doute a-t-il cette vision des choses car, dans sa jeunesse, il n'a pas vécu sur le domaine, mais à Saint-Mandé, en région parisienne, là où le vin se consomme. Cette attention portée aux attentes du consommateur l'a amené à modifier ses vinifications. Depuis deux ans, il a raccourci les macérations des rouges, les ramenant à moins de quinze jours afin d'élaborer des vins ' davantage sur le fruit et la fraîcheur '.
Mais ' le plus important, c'est la cohérence de tous les maillons de l'entreprise, continue-t-il. Faire bon coûte forcément cher. Si on ne valorise pas les vins en bouteilles, on fait faillite. On n'est plus capable de maintenir la qualité. C'est l'aptitude à vendre qui justifie le produit. J'ai misé sur les blancs et les hautes densités, mais ces choix techniques ne sont valables que s'ils sont complétés par un réseau et une dynamique commerciale. Il n'y a pas de pérennité de la qualité sans une commercialisation qui crée la valeur ajoutée. '
Le château a une production de 290 000 bouteilles. Désormais, il ne vend plus que 10 % de sa récolte en vrac, contre 40 % en 1990. ' On est très ouvert à l'export car, paradoxalement, il nous a paru plus facile de vendre nos appellations, somme toute peu connues à l'étranger, qu'à des consommateurs français. ' Daniel Hecquet participe aux salons Prowein, Vinitaly, London Wine Trade Fair et Vinexpo. Il présente ses vins à des concours pour obtenir des médailles. Il répond à toute demande des importateurs, aussi minime soit-elle, se déplace tous les ans pour leur rendre visite en Belgique, en Hollande et en Allemagne... Il achemine 65 % de sa production vers l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Japon. Il en écoule 20 % en circuit traditionnel, 5 % en vente directe et 10 % en grande distribution, un marché qui s'est ouvert en 2002, avec 26 000 bouteilles pour Casino et Auchan. ' Un début qui, j'espère, ouvrira des pers- pectives de débouchés réguliers ', commente-t-il.
Depuis 1985, Daniel Hecquet a créé sept vins (rouges, moelleux, blancs secs) pour s'adapter au marché, monter en gamme et diversifier son offre. Tous les blancs sont en appellation Montravel, les rouges du château Puy Servain-Calabre également. Ses bergeracs rouges et ses rosés, il les met en bouteilles sous l'étiquette château Calabre. Ils ne représentent qu'un tiers de sa production. Il a démarré l'élevage en barriques en 1988, avec la création d'un haut de gamme rouge. En 1994, il l'a étendu aux blancs, de manière à avoir des vins plus gras et pourvus de notes boisées. La même année, un rosé a vu le jour. En 2000, Songe, une cuvée de garage rouge, est née.
Les blancs secs et le rosé, soit la moitié des volumes, sont commercialisés dans l'année, ' ce qui assure la trésorerie car, pour les rouges et le liquoreux, il faut attendre trois ans ', dit-il. Cette politique de qualité s'applique au vignoble, au chai et jusque dans la salle d'accueil, spacieuse et lumineuse... En moyenne, Daniel Hecquet investit 80 000 euros/an. Mais ' rien n'est jamais acquis ', précise-t-il. La réussite d'une entreprise viticole est toujours ' précaire et fragile '. Preuve en est : en 2002, son chiffre d'affaires a reculé de 2,5 % par rapport à 2001 alors qu'il était en croissance les années précédentes. Daniel Hecquet a subi le contrecoup de l'effondrement des cours du bergerac. Mais il a su en amortir les conséquences, parce que ses débouchés commerciaux étaient assurés de longue date.