Entre 1977 et 1997, Serge Dubard, son épouse, sa soeur et son beau-frère ont connu une croissance ininterrompue en vendant toute leur production eux-mêmes. Depuis 2000, ils connaissent des temps plus difficiles...
'On ne retire pas la crème du vin pour vendre le solde au négoce. ' La philosophie de la famille Dubard, installée à Saint-Méard-de-Gurçon (Dordogne), a le mérite d'être claire : plutôt que de séparer le bon grain de l'ivraie et de se servir du négoce pour écouler des vins médiocres, elle a adopté une politique de qualité globale. Depuis le début, elle a restructuré le vignoble et maîtrisé les rendements autour de 55-60 hl, 55 hl étant le minimum vital. Elle vend toute sa production, y compris la partie la plus inintéressante.
C'est en 1977 que Serge Dubard, diplôme d'oenologue en poche, rachète le domaine du Gouyat, une exploitation de polyculture élevage de 20 ha. ' A l'époque, la vigne n'avait guère de valeur : 4 500 euros/ha alors que la prairie valait 3 800 euros/ha . ' Dès le départ, il plante des vignes à 5 000 pieds/ha, une haute densité pour la région et un bon compromis, d'après lui, pour optimiser la surface foliaire, tout en limitant le stress hydrique. Il réoriente le vignoble sur les rouges : du merlot, du cabernet-sauvignon, du cabernet franc et du malbec. En 1977, le domaine compte 80 % de blancs, contre 40 % aujourd'hui.
En 1981, un plan de développement axé sur la vigne signe l'arrêt de l'élevage et le choix de la production à 100 % en bouteilles. Bon plan. Au fil des ans, Serge, qui réinvestit toujours ses bénéfices, s'agrandit. Il rachète le château Laulerie de 20 ha en 1988, puis le château Les Farcies du Pech en 1999 de 10 ha. En 1990, sa soeur Irène le rejoint. En 1995, leurs conjoints respectifs entrent officiellement dans le Gaec. Cette société exploite aujourd'hui 82 ha en appellations Montravel et Bergerac et 10 ha en Pécharmant.
Les cuvées haut de gamme (120 000 bouteilles) sont signées château Laulerie. Sous cette étiquette, Serge commercialise ses cols de Montravel, une appellation née en 2001 dont il a été l'un des fervents partisans à la création. Ce vin est élevé en bois neuf. Il vend aussi un bergerac élevé pour moitié en barriques neuves, pour l'autre en cuves tronconiques. Ces dernières donnent un boisé plus subtil, sans compter qu'amorties sur trente ans, elles permettent de diminuer les prix de revient. Serge est farouchement opposé au microbullage, ' du bluff qui cache la misère pour mieux séduire '. 2004 verra la création d'un montravel blanc fermenté en fût.
Les bergeracs du domaine du Gouyat sont réservés à la marque Hédiard, depuis le début. Ils incluent les jeunes vignes et ne voient jamais le bois. En 1985, Serge Dubard vinifie son premier bergerac rosé. Il produit 20 hl d'un vin de saignée ' d'une nuit ', qui alimentent la trésorerie. ' Pour nous adapter à la demande, mes volumes ont grimpé tous les ans, avec une nette accélération en 1998 . Aujourd'hui, nous avons atteint une vitesse de croisière avec 1 000 hl par an. ' Le rosé et le rouge sont vendus 4,80 euros TTC départ cave.
La gestion vise la maîtrise des coûts. ' Au vignoble, nous sommes autonomes et maîtrisons tout de A à Z. Nous ne voulons pas dépendre d'une Cuma, ni d'un entrepreneur. ' Au chai, Serge a négocié des contrats de location avec cinq tonneliers, qui s'engagent à reprendre les barriques au bout de deux ans entre 40 et 50 % de leur valeur. Il a mis ses fournisseurs de matières sèches en concurrence, ce qui lui a permis de réduire ses factures de 20 %.
Une autre spécificité du domaine est d'avoir, dès le départ, démarché à l'export. Il a commencé par l'Allemagne (Serge parle la langue) et c'est toujours le premier client. ' C'est un marché fidèle, à condition de les respecter. ' Par exemple, ne pas échantillonner un vin et en livrer un autre. En 2002, il participe au premier Vinexpo de New York. Il y trouve trois clients supplémentaires. En 2003, les Etats-Unis sont le seul marché en progression, avec 50 000 bouteilles. En 2004, les Dubard iront à Vinexpo Chicago, malgré le coût élevé (environ 7 000 euros).
' De 1995 à 2000, ça marchait tout seul ', résume Betty. Est-ce à dire qu'un certain âge d'or est révolu ? Serge est à deux doigts de le penser : ' Entre 1977 et 1997, nous avons connu les vingt glorieuses. Maintenant, nous attaquons vingt années plus difficiles. ' A l'export, il faut d'abord accrocher l'importateur et vendre ensuite, une deuxième fois, à ses clients. En France, les ventes à la restauration ont baissé de 15 % en 2003. Sans compter que les chaînes de cavistes et de restauration centralisent leurs achats à l'image de la grande distribution et exigent même des remises de fin d'année.
' Avec la surproduction, nous faisons le dos rond. Nous n'investissons plus, et nous réalisons un gros travail de fidélisation de la clientèle existante. Depuis 2002, nous retournons dans des foires aux vins régionales, participons à des voyages de prospection à l'export et, pour la première fois, nous avons vendu lors de foires aux vins de la grande distribution. ' Et ils comptent trouver un moyen pour emplir les cinq chambres d'hôtes haut de gamme de leur château Les Farcies du Pech pour booster les ventes aux particuliers. Etoilés dans le Guide Hachette depuis le premier numéro, les Dubard ont toujours été absents du front médiatique. Mais ' en période de tempête, il faut s'y mettre ', affirme Serge. Qu'on se le dise.
L'EXPLOITATION EN DATES
1977 Achat du domaine du Gouyat (20 ha)
1981 Arrêt de la polyculture et production 100 %en bouteilles
1988 Achat du château Laulerie (20 ha)
1990 Arrivée d'Irène
1995 Arrivée de Betty et Pascal
1999 Achat des Farcies du puech
2001 1 er montravel rouge
2004 1 er montravel blanc