Deux carrés de merlot et de cabernet franc ont été plantés au Hameau de la Reine. Ils symbolisent la pérennité et la joie.
Le cadre est pittoresque. A côté du château de Versailles, au coeur du parc du Trianon, se trouve un havre de paix : un petit ' village ' normand de onze maisons à colombages, réparties autour du Grand Lac, et entourées de champs et de pâturages récemment remis en culture. C'était le domaine de Marie-Antoinette, le Hameau de la Reine, où elle jouait à la bergère. Aujourd'hui, deux grands carrés de vigne d'environ 2 000 m² viennent compléter le paysage. Ces symboles de pérennité et de joie ont été inaugurés en grande pompe le 17 juin dernier.
Des vignes à Versailles, ce n'est pas une hérésie. Marie-Antoinette était férue de botanique. Et même s'il n'y a jamais eu de vigne au sein du château, sa culture, à usage domestique, était courante dans toutes les fermes d'Ile-de-France au XVIII e siècle. Avec cette plantation, l'objectif est d'enrichir le patrimoine.
Le projet a germé dans la tête d'Alain Baraton, jardinier en chef du parc de Versailles. Il a été soutenu par Hubert Astier, président de l'établissement public du musée et du domaine de Versailles. Mais c'est le très médiatique Jean-Pierre Coffe qui les a mis en relation avec quatre grands domaines qui ont financé l'opération : le château Branaire-Ducru, à Saint-Julien (Gironde), le château Troplong Mondot, à Saint-Emilion (Gironde), le château Lynch-Bages, à Pauillac (Gironde), et le château Thuerry, à Villecroze (Var). Ces professionnels, ravis de l'initiative, ont tout d'abord analysé les sols afin d'y apporter les améliorations nécessaires à l'implantation d'une vigne. Ils ont ainsi demandé qu'un apport de potasse soit réalisé. Il sera complété par un ajout de calcaire à l'automne. Quant au choix des cépages, les spécialistes ont opté pour le merlot essentiellement, et le cabernet franc. ' Le merlot, un peu plus précoce, est mieux adapté. Le cabernet franc apportera de la structure. Les vins devraient donc être parfumés et structurés ', explique Patrick Maroteaux, président du château Branaire-Ducru.
1 857 ceps ont été ainsi mis en terre, au pas de vigneron et dressés sur des échalas en acacias fendus. La vigne sera conduite dans le respect des techniques de culture du XVIII e siècle et entretenue à la main. Des représentants des quatre grands domaines viendront régulièrement en renfort des jardiniers, pour la taille et la sélection des grappes. Les premières vendanges, prévues dans trois ans, devraient permettre la production de 2 000 bouteilles d'un vin rouge, élevé en fûts dans les caves du château. Elles ne seront pas commercialisées, mais dégustées lors de fêtes. Autour de la vigne, plusieurs activités sont prévues, comme la création d'une confrérie qui perpétuera la tradition. Les bouteilles recevront une étiquette dessinée par un artiste différent chaque année. Et chaque cuvée devrait être dédiée à une personnalité vivante ou disparue, ayant oeuvré pour l'environnement ou la botanique. Versailles, futur grand cru ?