Grâce à un partenariat avec Carrefour, la cave de Viré, dans le Mâconnais, a lancé la toute jeune AOC Viré-Clessé. Aujourd'hui, son succès dépasse ses espérances et rejaillit sur toute sa gamme. Mais elle garde la tête froide : elle tient à un développement raisonnable.
Raisonnable : tel pourrait être le qualificatif qui colle le mieux à la cave de Viré. Il s'applique à tous les points de vue, et d'abord à la viticulture. En 1997, la cave rédige un cahier des charges d'agriculture raisonnée. Il attire l'attention de Carrefour. Cette enseigne de grande distribution propose que la récolte des viticulteurs engagés dans la démarche alimente sa filière qualité.
Parallèlement, la cave de Viré lutte pour obtenir l'appellation communale Viré-Clessé, qui sera vinifiée pour la première fois en 1998. La filière qualité Carrefour est une aubaine pour la coopérative : l'enseigne s'engage sur 1 000 à 1 500 hl de viré-clessé et assure la mise en avant de cette toute nouvelle appellation. ' Les consommateurs ne nous attendaient pas, explique Christine Philippe, responsable commerciale de la cave. Il fallait aller au devant d'eux. Carrefour a permis de faire connaître l'appellation au grand public . ' Devant l'intérêt d'un tel partenariat, la cave a ' imposé ' l'adhésion de tous les viticulteurs au cahier des charges, ' en souplesse ', nuance le président Christian Guiochon.
Leur engagement porte non seulement sur des aspects environnementaux, mais aussi sur la conduite de la vigne. ' Nous produisons ainsi des raisins de qualité et des bons vins, dans le respect de l'environnement ', résume Christine Philippe. Ce qui contribue à créer une image positive de la cave, essentielle en terme de commercialisation. ' Avant, nous ne travaillions pas avec les grandes surfaces. Carrefour est venu nous chercher et nous a fait confiance. Nous ne voulons pas d'autre enseigne. Mais la démarche d'agriculture raisonnée intéresse aussi nos autres clients : le négoce, et surtout les cavistes, qui sont demandeurs d'une histoire à raconter. ' Grâce à ce travail d'image, la coopérative peut se vanter de vendre toujours plus cher que le marché, ' 15 euros de plus par pièce de 216 l, en moyenne '. Cela motive d'autant plus les coopérateurs, qui ont un réel retour sur leur investissement.
La cave a axé sa communication sur l'appellation Viré-Clessé qui, pourtant, ne représente que 7 000 à 8 000 hl sur les 28 000 hl élaborés. ' Viré-Clessé est notre fer de lance, justifie Christine Philippe. Nous venons toujours à en parler : soit les personnes nous contactent pour ce produit et nous leur faisons découvrir nos autres vins, soit elles viennent pour le mâcon-villages et nous leur présentons notre haut de gamme. '
Là aussi, les producteurs ont su rester raisonnables. ' Nous ne voulons produire que ce que nous sommes capables de vendre ', explique la responsable commerciale, soit tout de même 70 à 80 % de la récolte de Viré-Clessé. La cave n'exploite pas la totalité de son potentiel de production de cette appellation, qui est de 12 000 hl. Elle veut éviter d'inonder le marché avec des volumes qui ne trouveraient pas preneurs.
Pour stabiliser les prix, elle s'est imposée une croissance lente : c'est une raison de sa bonne santé. Pour le premier millésime de Viré-Clessé, elle s'était limitée à 3 000 hl, une offre qu'elle a dû, dès l'année suivante, revoir à la hausse pour satisfaire tous ses acheteurs. ' C'est par cette appellation que nous nous développons en France et à l'export, grâce à sa très bonne valorisation. C'est une niche, mais en expansion ', argumente Christine Philippe. Rapidement, l'appellation s'est développée et d'autres opérateurs ont suivi le mouve- ment imprimé par la coopérative. ' Nous leur avons mâché le travail ', résume Christian Guiochon. Alors, elle a voulu se démarquer : elle a créé sa propre bouteille gravée, pour qu'elle ' reste aussi gravée dans les esprits des consommateurs '. La cave s'est forgée une image positive, notamment grâce à sa revue Micro-Climat, adressée tous les trimestres à ses clients. Aujourd'hui, elle compte bien exploiter cette image et fidéliser sa clientèle.
La cave s'est dotée d'équipements modernes et performants, avec le même état d'esprit : en restant raisonnable. ' Cela n'a pas été brutal. Nous investissons toujours un peu tous les ans ', explique Christine Philippe. ' Le monde agricole est lourd à bouger, ajoute le président. Il est plus facile de faire passer de petites évolutions à la fois. ' La cave s'est peu à peu dotée de huit pressoirs pneumatiques, dont quatre de petite capacité, pour traiter le viré-clessé.
' Rien n'est jamais acquis. Il faut toujours aller de l'avant, même être en avance sur les autres ', scande Christine Philippe. Elle explique que la cave s'est maintenant attelée à l'obtention d'une hiérarchisation supplémentaire, un premier cru en appellation Viré-Clessé. Dans ce but, dès le deuxième millésime, les producteurs ont identifié treize zones, qui sont suivies jusqu'à la bouteille, afin de déterminer lesquelles pourront revendiquer un classement en premier cru. ' Là non plus, la clientèle ne nous attend pas, il faut susciter son intérêt pour notre appellation et nos vins. '
De même, au niveau de ses exigences à la vigne, la cave se targue d'avoir toujours une longueur d'avance. Le contrôle des pulvérisateurs est réalisé depuis près de cinq années. Les viticulteurs disposent tous, depuis les dernières vendanges, d'une aire de lavage. Un pas de plus vers la production raisonnée.