Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

Moravie

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

La plus grande région viticole de la République tchèque est souvent comparée à l'Alsace. Elle veut s'inspirer de son système qui combine AOC et mention des cépages. Elle mise sur le tourisme pour se développer.

Le vignoble de Moravie, proche de la frontière autrichienne, couvre 10 864 ha. Cette région, souvent appelée ' Alsace de l'Est ', se situe à la même latitude, sous un climat continental et produit aussi des vins de cépages, à 70 % blancs : tramin, müller-thurgau, ryzlink (riesling), chardonnay, moravsky muskat (muscat morave)... Les variétés rouges portent des noms moins familiers : frankovka, svatovavrinecké... La ressemblance avec l'Alsace va encore s'accentuer. ' En 1995, nous avons adopté le principe allemand, basé sur le taux de sucre des raisins récoltés. Mais c'est sans avenir , constate Marek Spalek, directeur du Centre national viticole de la République tchèque, situé à Valtice, au coeur du vignoble. Les vignerons les plus actifs veulent adopter les appellations d'origine selon le principe alsacien, avec indication du cépage et du lieu : soit la Moravie et ses sous-régions, ou la Bohême, qui compte 458 ha de vigne près de Prague. ' Marek Spalek espère que cette loi sur les VOP (vino originalni produkce ) sera votée avant l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne, le 1 er mai 2004. L'ouverture des frontières réjouit les vignerons moraves qui espèrent la visite de touristes autrichiens. Actuellement, ils visent un marché local, plutôt haut de gamme.

La consommation nationale de vin est faible : 16 l/an/habitant, pour dix millions de Tchèques. Les 500 000 hl de production annuelle couvrent à peine le tiers de ces besoins. Les Tchèques importent donc plus d'un million d'hectolitres d'Italie, d'Espagne, d'Autriche. Ils achètent peu en France (3,2 % en volume des importations et 10,8 % en valeur en 2002).
Nombre de vignerons plantent de nouvelles vignes avant l'entrée dans l'Europe. Le ministère de l'Agriculture tchèque annonce 2 000 ha supplémentaires en 2003, dont la moitié en cépages rouges. Ainsi, Vinne Sklepy Lechovice, une société privée qui appartient à trois actionnaires, a planté 44 ha depuis trois ans : ' Sauvignon, pinot noir, gris, blanc et cabernet-sauvignon ; les mêmes cépages que sur les 87 ha existants. Et nous avons l'intention de continuer ', révèle son agronome Roman Stanek. Avec ses trente employés permanents, il pratique la vendange verte et élimine la moitié des grappes ' pour développer, non la quantité, mais la qualité '. Jeunes vignes comprises, le rendement ne dépasse pas 3,8 t/ha. ' Nos vins bénéficient du label lutte intégrée, car nous utilisons moins de 2 kg/ha/an de cuivre et mobilisons certains auxiliaires, tels Typhlodromus pyri , contre les prédateurs de la vigne. ' Ils se vendent à partir d'un euro la bouteille.
Les parcelles de cette société sont cultivées sous clé, derrière des kilomètres de grillage. En Moravie, c'est monnaie courante. ' Nos vignes souffrent du vol. Il n'y a aucune solidarité entre les vignerons, qui acceptent d'acheter du raisin d'origine douteuse ', déplore Jiri Hort, jeune vigneron sans terre, indépendant et atypique. Il produit 30 000 cols par an, à partir du raisin acheté à des propriétaires privés. ' Le prix normal est de 0,3 euros/kg pour 2,5 kg par cep. Je demande à mes fournisseurs de vendanger en vert, afin de limiter la production à un kilo par cep, que je paie jusqu'à 1,5 euros. Grâce à cette qualité, je ne rajoute pas de sucre, contrairement aux deux tiers des autres vignerons. '

Jiri Hort croit également aux appellations d'origine. ' Les VOP vont permettre à nos vins de se distinguer des AOC concurrentes étrangères. ' Novateur, il développe un rosé avec le cépage saint-laurent (svatovavrinecké). ' Pourquoi ferais-je du vin rouge de mauvaise qualité, alors que mon rosé est primé aux concours ? ' Il le vend de 2,5 à 5 euros la bouteille.
A l'inverse de Jiri Hort, nouveau venu, la coopérative ZD Sedlec est un héritage de l'époque communiste. Elle exploite 900 ha dont 170 de vignes. Ces terres n'appartiennent plus à l'Etat depuis 1992, mais à 150 propriétaires auxquels la coopérative paie un loyer annuel de 32 euros/ha pour les terres nues et de 64 euros/ha pour celles plantées de vignes. ' La coopérative possède les ceps, les employés reçoivent une gratification en fonction de la récolte ', explique Ctirad Kralik, qui souhaite l'évolution de ce système alambiqué ' vers une coopérative à la française, où chaque vigneron est responsable des hectares qu'il exploite '. Cet oenologue estime que les VOP seront profitables. ' Les appellations vont nous permettre de mieux lutter contre les vins du Nouveau Monde. Actuellement, nous indiquons seulement le cépage sur les bouteilles. C'est trop anonyme, il faut afficher nos différences. '

Les 170 ha donnent 1 000 t de raisin (blanc à 95 %), soit 7 000 hl de vin dont 80 % partent vers une usine de mousseux et 20 % en bouteilles. ' Nous plantons seulement une dizaine d'hectares cette année, car la compagnie de mousseux ne veut pas d'une trop grande augmentation de volume ', révèle Ctirad Kralik. En revanche, il envisage de doubler la terrasse qui accueille les touristes : ' En été, 150 à 200 personnes s'arrêtent chaque jour à notre buvette. elles viennent goûter à bicyclette, puis acheter en voiture ! ' La limite d'alcoolémie au volant est en effet fixée à zéro.
Les Tchèques veulent découvrir leur pays, les routes touristiques ' et apprécier les vins locaux ', analyse Jaroslav Chaloupecky, responsable marketing de la société Znovin. L'offre en vin tchèque étant insuffisante, les vignerons s'adressent, en priorité, à leurs compatriotes.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :