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archiveXML - 2003

Forgeurs d'enseignes

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

A Eguisheim (Alsace), Marc et Hervé Theiller dessinent et forgent des enseignes pour les viticulteurs. Leurs oeuvres ont essaimé, un peu partout, en Europe et jusqu'aux Etats-Unis.

Marc Theiller vendange toute l'année, mais ses raisins ne poussent sur aucun cep. Et pour cause. Ils sont en fer, du fer qu'il bat depuis quarante ans comme l'indique sa propre enseigne. Il représente la cinquième génération d'une lignée qui travaille ce métal. C'est l'héritier de maréchaux-ferrants que l'arrivée du tracteur a poussés à fabriquer des pièces de machines agricoles. De ce passé, son entreprise conserve une activité de réparation des petites casses de matériel, celles qui se règlent en quelques soudures. ' Que du dépannage ', lance l'artisan.
Il a commencé la ferronnerie dans les années soixante-dix. Elle occupe désormais 70 % de son temps, de celui de son fils Hervé, et de ses deux salariés. ' Les premières demandes émanaient des viticulteurs. Des restaurateurs et des boulangers-pâtissiers ont suivi . ' Il réalise les enseignes de A à Z. ' Je commence à demander l'historique de la maison afin d'y intégrer des armoiries, une date, un rappel du portail ou tout autre détail. J'effectue un dessin à l'échelle, puis un devis. Passer de l'idée à la pratique, c'est créer. '

L'atelier possède sa propre forge. Elle fonctionne avec un charbon spécial, plus efficace que le gaz. Le métal est porté à 1 200°C pour être battu. ' Tout ce que j'ai appris, c'est taper avec un marteau sur un morceau de fer quand il est chaud. C'est alors comme une pâte à modeler. Le coup de marteau est décisif. L'homme décide où le donner. Son adresse fait le résultat. '
Père et fils se sont répartis les tâches. Marc se consacre aux esquisses et à la peinture, Hervé forge. Une fois achevées, les pièces sont décapées par sablage en cabine. Elles reçoivent ensuite une projection à chaud de zinc. Après quoi, elles acceptent aisément les peintures à base de polyuréthane, comme dans l'industrie automobile.
Cent-cinquante heures au minimum sont nécessaires à la réalisation d'une enseigne. Le seuil des deux cents heures est souvent atteint. Leur prix varie entre 3 000 et 7 500 euros, selon la taille et les détails de l'oeuvre. Marc Theiller garantit une durée de vie de vingt ans pour chacune d'elles. Ces enseignes, une fois installées, sont sa meilleure publicité. ' La plupart des clients viennent parce qu'ils les ont vues dans la rue. Ils ne trouvent plus de tels artisans chez eux. ' La ferronnerie a ainsi expédié des oeuvres en Sâone-et-Loire, en Haute-Savoie, en Bretagne, en Belgique, au Danemark, et jusque chez un négociant en vins new-yorkais.

Le ferronnier d'Eguisheim est un autodidacte. Il s'inspire régulièrement des vignes, qu'il aperçoit aussitôt la porte de son atelier franchie. Durant sa carrière, à raison de trois minutes par baie, il en a forgé des milliers. Une fois agglomérées à trente ou cinquante autour d'une tige, elles ont donné des centaines de raisins destinés à orner enseignes et portails.
' Le métier n'est plus guère rentable. Travailler de manière traditionnelle demande trop de temps ', regrette Marc Theiller. Il s'est toujours refusé à acheter, sur catalogue, des pièces préfabriquées destinées à être incorporées dans une oeuvre. Il ' veut maintenir le métier '.
Cependant, ' dans les écoles, on ne forge plus. Le seul moyen de former la relève est l'apprentissage chez un patron. Malheureusement, les candidats ne se bousculent pas '.

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