Un coopérateur arrache ses vignes avant la fin de son engagement. En compensation de la perte d'apport, la cave se voit attribuer 15 % de la prime d'arrachage. Mais une telle retenue ne peut pas être automatique.
Dans notre affaire, un viticulteur décide d'arracher, à titre définitif, ses parcelles et sollicite la prime afférente. L'accord est donné, mais l'Onivins ampute la somme de 15 % qu'elle verse directement à la coopérative (environ 20 000 euros). Conséquence de l'arrachage : le viticulteur cesse ses apports. Pour autant, sa démission n'est pas acceptée par la cave. Et cette dernière n'entame pas une procédure en paiement des pénalités, ce qu'elle aurait pu faire en raison du départ du coopérateur avant la fin de son engagement. Les responsables de la coopérative ont considéré que la participation au bénéfice de la prime représentait la contrepartie de la cessation de l'apport.
Mais le vigneron ne l'entend pas de cette oreille. Il cite la coopérative devant le tribunal pour obtenir le versement des 15 %. En présence de cette contestation judiciaire, la cave obtient, du tribunal de grande instance, l'autorisation de bloquer l'argent reçu de l'Onivins, pour garantir le paiement des pénalités qu'elle se proposait de demander.
Le viticulteur conteste le caractère licite du prélèvement de 15 %. Pour se défendre, la coopérative s'appuie sur l'article 7 des règlements communautaires des 26 mars 1985 et 24 mai 1988, prévoyant que pour faire face à la disparition des apports, une partie de la prime d'abandon définitif est versée à la coopérative. A noter que cette disposition a été reconduite dans l'article 8 (§ 3), du règlement communautaire du 31 mai 2000.
La cour d'appel va rappeler que la disposition communautaire est appliquée en France à travers une lettre du ministre de l'Agriculture du 22 août 1985, aux termes de laquelle les statuts de la coopérative doivent prévoir la possibilité de se dédommager du départ anticipé du coopérateur, en bénéficiant d'une partie de sa prime d'arrachage. Les juges vont rappeler qu'il faut prévoir une information écrite à l'adhérent, lui faisant savoir que la transaction proposée par la cave le met à l'abri de toutes poursuites en paiement des pénalités. Bref, une sorte de contrat avec proposition par la coopérative et acceptation par l'associé de cette compensation forfaitaire. Dans cette affaire, il y a bien eu modification des statuts, mais la transaction n'a pas été proposée à l'associé. En conséquence, la cave est condamnée à reverser les 15 %.
Mais la coopérative formule un pourvoi, tout en refusant de régler ce à quoi elle a été condamnée. Ses conseils feignent d'ignorer l'article 1 009-1 du code de procédure civile : l'auteur d'un pourvoi doit exécuter l'arrêt de la cour d'appel. A défaut, la Cour de cassation n'examine pas le pourvoi. Malgré cet impératif légal, la cave refuse d'exécuter la condamnation. Le vigneron le fait constater par la Cour de cassation. Obstinée, la coopérative soutient qu'elle n'a pas à payer, car l'associé défaillant avait à supporter des pénalités statutaires. Encore aurait-il fallu qu'elle ait demandé ces pénalités et qu'un tribunal les lui ait accordées !
La procédure laisse un délai de deux ans pour exécuter un arrêt de la cour d'appel. Si tel est le cas, le pourvoi revient devant la Cour suprême, qui dira alors si la cour d'appel a eu raison ou pas de juger comme elle l'a fait. Au terme des deux ans, le pourvoi est périmé. C'est ce qui s'est passé dans cette affaire.
Au-delà des péripéties spécifiques au présent contentieux, un principe est à retenir : l'Onivins ne peut verser à la coopérative une partie de la prime qu'avec l'accord de l'intéressé. En clair : le prélèvement n'est pas de droit.