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archiveXML - 2004

Expropriation : l'étude d'impact doit être complète

La vigne - n°154 - mai 2004 - page 0

Une route devait traverser 4,5 ha de vignes. Le préfet avait déclaré d'utilité publique l'expropriation du viticulteur. Le tribunal administratif de Strasbourg l'a annulée. L'étude d'impact ne prévoyait pas les conséquences sur la production viticole et la qualité des vins.

Les bourgs de nos campagnes sont confrontés à l'urbanisation croissante et au développement du réseau des voies de circulation. Ces fléaux rongent les espaces agricoles, notamment des vignes d'appellation, lesquelles se trouvent amputées, voire anéanties. Dans notre affaire, l'Association des viticulteurs d'Alsace, le Syndicat viticole de Châtenois, un viticulteur et l'association Alsace Nature ont déposé une requête devant le tribunal administratif de Strasbourg. Ils se sont opposés à la déviation routière de cette commune du Bas-Rhin, qui devait empiéter sur des vignes d'appellation. Le préfet avait déclaré d'utilité publique (DUP) l'expropriation. La DUP entraînait l'acquisition forcée de 4,5 ha de vignes d'appellation, propriété dudit viticulteur.
A l'issue de la procédure et à la lecture du jugement rendu, il apparaît que c'est l'étude d'impact qui a fait l'objet de contestation. Le tribunal a tranché d'une manière extrêmement précise sur l'un des moyens juridiques avancés, ' sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres '. Voici le raisonnement des juges : en application de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977, pris pour l'application de la loi du 17 juillet 1976, une expropriation exige une étude d'impact, sauf dispense prévue dans un texte joint au décret, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. L'administration le savait et elle avait joint ladite étude au dossier d'enquête mais, et c'est l'intérêt majeur du jugement, ce document n'a pas été jugé suffisant, car il ne correspondait pas aux prescriptions du décret. Il a donc été considéré comme inexistant et a entraîné la nullité de la DUP.
C'est sur ce point que la décision rendue est instructive puisqu'elle précise ce que doit contenir une étude d'impact portant sur des vignes. L'étude fournie au tribunal ne comportait pas d'analyse détaillée des ' effets directs ou indirects sur la production viticole et la qualité des vins, sur la modification de l'écoulement de l'eau, conséquences sur la productivité de certaines parcelles et sur le surcroît de pollution auquel les parcelles riveraines seraient nécessairement soumises '. Ce document qualifié d'étude d'impact ne déterminait pas non plus ' les mesures compensatoires qui seraient de nature à limiter l'impact du projet sur le domaine viticole et à redéfinir les modalités d'accès aux parcelles riveraines '.

Constatant ces carences, le tribunal administratif a considéré que les voeux de la loi n'étaient pas remplis et a annulé la DUP. Il en résulte que chaque fois que des terrains classés AOC sont l'objet d'une expropriation, l'étude d'impact doit être réalisée dans ' les règles de l'art '. Faute d'agir ainsi, le juge ne peut pas se faire une opinion sur le nécessaire équilibre entre le sacrifice d'hectares d'appellation et l'intérêt de l'opération.
D'autres arguments juridiques auraient pu être avancés. En premier lieu, conformément à l'article R 11-16 du code de l'expropriation, l'avis du ministre aurait dû être demandé puisque l'expropriation touchait des vignes d'appellation. Or, rien n'en transparaît dans le dossier. En second lieu, conformément à l'article 73 de la Loi du 4 juillet 1980, s'agissant d'une réduction grave de l'espace agricole, un avis de la chambre d'agriculture aurait dû être sollicité. Là encore, aucune mention...
En troisième lieu, les plaignants auraient pu se baser sur l'article L 641-11 du code rural. S'agissant d'un projet d'équipement public touchant des vignes AOC, le syndicat de l'appellation aurait pu saisir l'autorité administrative. Avant de prendre sa décision, celle-ci aurait dû saisir le ministre de l'Agriculture, lequel aurait eu trois mois pour répondre. Enfin, étant donné que l'opération exigeait une étude d'impact, il semblait possible de saisir le juge des référés administratif d'une demande de suspension de la DUP...
Bref, avec de tels arguments le projet de déviation s'est transformé en impasse...

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