Un exploitant voulait faire une plantation nouvelle en AOC. Le ministre de l'Agriculture s'y est opposé parce que le contingent était épuisé. La cour administrative a annulé sa décision. Elle a jugé que l'exploitant était prioritaire.
Les faits se passent au beau milieu des années 90. Un agriculteur exploite 170 ha de céréales et 8 ha de vigne d'appellation contrôlée Pouilly-Fumé. Il désire augmenter sa surface viticole en plantant 0,5 ha supplémentaire. Comme il ne détient pas de droits, il présente une requête auprès de l'Inao pour en obtenir.
Selon la législation alors en vigueur, les ministères de l'Agriculture et des Finances précisent, sur proposition de l'Inao, les surfaces annuelles à planter par AOC. Ils fixent aussi les critères applicables pour choisir les attributaires de ces droits. Pour l'année concernée, les critères étaient classés en cinq catégories. En tête, ' les professionnels vinifiant dans l'aire de l'appellation '. Il était précisé : ' Sont compris dans cette catégorie, les viticulteurs à titre principal ayant souscrit au moins une déclaration de récolte, et exploitant à titre principal des vignes, et participant à l'exploitation '.
Dans notre affaire, le ministre a opposé un refus à notre vigneron, au motif que le contingent avait été épuisé par les demandeurs prioritaires. Mais l'exploitant conteste cette décision. Il estime qu'il satisfait, lui aussi, au premier critère de priorité. Il défère la décision à la juridiction administrative.
S'agissant d'un acte de refus, il fait valoir qu'il devait être motivé, en application de la loi du 11 juillet 1979, sur la nécessité de motiver les actes administratifs défavorables. Une procédure semblable est aujourd'hui prévue par l'article R 641-16 du code rural, et par l'article 6 du décret du 20 décembre 2002 qui concerne l'attribution des droits de plantation.
L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel est succinct : ' Le ministre, pour refuser l'autorisation de plantation, s'est borné à indiquer que le contingent était épuisé par les premières priorités, et qu'une telle motivation ne précise pas les éléments de fait propres à la situation du requérant. ' Et d'en conclure la censure de l'arrêté ministériel.
La question était de savoir si le demandeur était prioritaire ou non. Pour cela, il fallait vérifier s'il exerçait bien l'activité de viticulteur à titre principal. Sur ce point, le ministre a fait valoir que la superficie en vignes de l'exploitant n'était que de 8 ha, alors qu'il cultivait 170 ha de céréales. Le Commissaire du gouvernement a balayé l'argument. On ne peut pas comparer, sur ce simple critère, deux types de culture : les schémas directeurs et la surface minimale d'installation (SMI) en sont la preuve ! Il faut plutôt rechercher l'activité et le temps consacré à une culture déterminée par rapport à l'autre, et surtout prendre en considération les revenus tirés des différentes cultures. Dans notre litige, le chiffre d'affaires était pour les céréales de 89 000 euros et de 252 800 euros pour les vignes... De ces éléments, la cour administrative a estimé que le demandeur était prioritaire et en conclut de fait l'annulation du refus.
Malgré cela, notre vigneron n'a pas eu de droits. Pour en obtenir, il aurait dû demander aux juges de faire une injonction au ministre. L'article L 911-2 du code de justice administrative lui permettait de compléter sa requête en annulation par une demande tendant à enjoindre au ministre de prendre une nouvelle décision, dans un délai déterminé par les juges, au besoin sous astreinte. Il ne l'a pas fait. Il a préféré arguer que le refus lui avait causé un préjudice. Il en a sollicité la réparation sous forme de dommages-intérêts. Sur ce point, la cour lui a opposé un refus pour un motif juridique : une indemnité tendant à réparer un dommage ne peut être sollicitée directement au tribunal, si elle n'a pas été demandée, au préalable, à l'autorité par requête gracieuse.
Dans notre affaire, le contingent de droits nouveaux attribué par les instances européennes était déjà épuisé. Mais rien n'aurait empêché le ministre de faire droit à la demande en utilisant le contingent de l'année suivante...
Arrêt de la cour administrative d'appel du 31 mars 2005-11-04.