Un propriétaire dont les parcelles d'appellation sont déclassées, doit attendre la parution du décret définissant l'aire de production pour agir en justice.
Louis est propriétaire exploitant. Depuis de nombreuses années, ses terres sont reconnues bonnes à produire des vins d'appellation contrôlée. Ses plants, conformes aux impératifs du décret, prospèrent aux confins de son domaine. Un jour, il voit arriver sur son exploitation des experts, qui parcourent toutes les parcelles reconnues aptes à porter l'appellation. Louis laisse faire. Il n'a pas d'inquiétude. Il a tort car, après la visite, il s'entend dire que seize de ses parcelles vont être déclassées.
Immédiatement, Louis adresse une réclamation au Comité national de l'Inao, accompagnée de la preuve de la similitude des apports de raisins provenant des parcelles concernées avec les autres, acceptées comme AOC. Sa requête reste sans effet. Louis défère au tribunal administratif le refus opposé à sa demande. Selon les règles en vigueur sur le plan du contentieux en matière de décision des institutions collégiales, le Conseil d'Etat est juge en premier et dernier ressort. Le dossier de Louis est donc transmis par le tribunal, à la haute juridiction. Le 29 septembre 2003, l'arrêt est tombé comme un couperet bien acéré.
Il est le rappel d'une leçon de droit établie depuis plusieurs années. L'article L 641-3 du code rural édicte que ' chaque AOC est définie par décret sur proposition de l'Inao.
Le décret délimite l'aire géographique de production '. C'est donc ce texte qu'il faut attaquer. Après avoir rejeté le recours de Louis, le Conseil d'Etat lui indique les voies à suivre : avant la signature du décret, l'intéressé peut demander au ministre de provoquer une nouvelle délibération du Comité national de l'Inao. Une fois le décret publié, l'intéressé a deux mois pour agir en justice. Le viticulteur qui l'attaque peut faire valoir les irrégularités et les vices contenus dans la proposition de l'Inao sous forme d'exception d'illégalité de cette proposition. Si le délai est expiré, il peut solliciter du ministre une modification du décret et, en cas de refus, attaquer. Pour l'heure, Louis devrait, et il l'a peut-être fait, suivre cette dernière suggestion contenue dans l'arrêt du Conseil d'Etat.
Le raisonnement suivi par le juge administratif est identique lorsqu'un exploitant agricole présente une demande d'autorisation d'exploiter en application de l'article L 331-1 et articles suivants du code rural.
Là, c'est la Commission départementale d'orientation agricole saisie du dossier qui donne un avis motivé au préfet. C'est ce dernier, représentant de l'Etat, qui donne ou refuse l'autorisation. Or, comme dans notre affaire, le juge estime que l'avis de la Commission n'est pas susceptible de recours. Seul l'arrêté du préfet l'est. Toutefois, à l'occasion du recours contre la décision du représentant de l'Etat, le requérant est en droit, pour obtenir l'annulation du refus ou de l'autorisation émanant de l'arrêté préfectoral, d'invoquer les vices entachant l'avis de la CDOA, ne serait-ce que le fait de ne pas avoir entendu le requérant qui en avait fait la demande.
En revanche, il est un cas où la décision d'une commission peut être contestée directement. C'est en matière de remembrement. Là, c'est la décision de la commission qui doit être critiquée devant le tribunal administratif, et non l'arrêté du Préfet décidant la fin des opérations de remembrement (Conseil d'Etat du 22 septembre 2003, Jurisclasseur collection publique 2003-1995).