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Tension dans les appellations

La vigne - n°105 - décembre 1999 - page 0

Par une décision de 1998, le Conseil d'Etat a estimé que l'Inao avait tort de refuser à un vigneron l'inscription sur le cadastre de ses parcelles aptes à produire du champagne, comme les textes l'y autorisaient.

En Champagne, comme dans d'autres appellations, chaque mètre carré compte. Il est donc indispensable de connaître les limites exactes de ses terrains. L'article 3 du décret du 29 juin 1936, relatif à la définition de l'appellation contrôlée Champagne, dans sa rédaction issue du décret du 11 septembre 1958, prévoit que 'la délimitation de l'aire prévue à l'article 18 de la loi du 6 mai 1919, modifiée le 22 juillet 1927 et le 11 février 1951, sera reportée sur les plans cadastraux et ce, après approbation par l'Inao ; ces plans seront déposés en mairie'.Avantage certain pour le vendeur et l'acquéreur, il ne s'agit plus que d'appliquer le plan cadastral sur le terrain. On comprend que les propriétaires aient intérêt à ce report pour effacer toute incertitude, lors d'une vente par exemple. C'est dans ce contexte que va se dérouler une procédure devant la juridiction administrative : M. X., propriétaire de parcelles en AOC, demande à l'Inao, durant l'été 1991, le report sur le plan cadastral des terrains lui appartenant, comme simple consécration d'une situation existante.Certes, l'Inao n'a jamais contesté la qualité de ces parcelles, mais oppose le silence à cette demande. Dans les quatre mois, M. X. conteste ce refus implicite. Le tribunal administratif annule ce refus. Pour un vice de forme, le jugement sera annulé, mais le Conseil d'Etat, après cette annulation, évoquant le fond des débats comme il en a le pouvoir, va l'examiner.L'Inao appelant ne sera pas avare d'arguments que le Conseil d'Etat balaiera en quelques lignes : le fait qu'une procédure de révision de l'aire d'appellation soit en cours au moment de la requête de M. X. n'est pas de nature à modifier le cadre de l'instance. Par ailleurs, il n'est nul besoin d'un recours gracieux préalable auprès de l'Inao avant la saisie du tribunal administratif car la décision préalable indispensable existait dans le silence de l'Institut. Ainsi, sur ces fins de non-recevoir, M. X. obtient déjà satisfaction.Le vrai problème est de savoir si l'Inao est tenu de reporter sur le plan cadastral les parcelles de M. X. Dans son mémoire d'appel, l'Institut soutient que l'obligation qui lui est faite ne porte que sur les communes où une procédure de révision des appellations est en cours. Le Conseil d'Etat, rappelant les termes précis de l'article 3 de la loi du 29 juin 1936, rédaction du 11 septembre 1958, rejettera le moyen, l'obligation n'étant pas liée à une opération de révision.Poursuivant son argumentation, l'Inao soutient que l'article 18 de la loi du 6 mai 1919, modifié le 22 juillet 1927 et 11 février 1951, fut implicitement abrogé par la loi du 16 novembre 1984 puisque celle-ci fixe les conditions de reconnaissance d'une AOC d'une manière nouvelle (au moins partiellement). Le Conseil d'Etat répondra qu'il ne s'agit pas d'une demande de reconnaissance ou d'une procédure de révision dans la délimitation dont bénéficie M. X., car personne ne contestait qu'avant la loi du 16 novembre 1984, M. X. était titulaire de parcelles aptes à porter du champagne. C'est donc à tort que l'Inao a refusé le report sur les plans cadastraux. La décision du Conseil s'arrête là : le refus implicite est annulé.Ce n'est pas pour autant que l'Inao reportera sur le plan cadastral de la commune. On est en présence d'un vice inhérent à la justice administrative qui ne pouvait donner des injonctions à l'Administration. Du reste, à un argument de l'Inao, le Conseil d'Etat répondra que M. X. a simplement demandé l'annulation du refus. Les choses seraient différentes si la procédure avait été instaurée après la promulgation de la loi du 8 février 1995, portant réforme du contentieux administratif. En effet, aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs, lorsqu'un jugement implique qu'une personne morale de droit public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction administrative, saisie de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure assortie d'un délai d'exécution et, éventuellement, d'une astreinte.Ainsi, M. X. aurait pu obtenir que l'Inao soit condamné sous astreinte à reporter sur le plan cadastral la délimitation de ses parcelles. Pour illustrer cette affirmation, il n'est qu'à se reporter à la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 1995, dans l'affaire du château d'Arsac.Référence : Conseil d'Etat du 29 juillet 1998, requête 162 355.

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