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L'Inao contraint de s'expliquer

La vigne - n°111 - juin 2000 - page 0

Succès économique aidant, le contentieux autour des révisions d'aires d'appellation s'étoffe. Lors de la procédure, le comportement de l'Inao est aussi important que le fond.

Le deuxième alinéa de l'article 21 du décret du 30 juillet 1935, modifié par la loi du 16 novembre 1984, stipule qu'après l'avis des syndicats de défense intéressés, l'Inao délimite les aires de production donnant droit à l'appellation. Cet alinéa ajoute : ' Les propositions de l'Inao sont approuvées par décret '. Cette législation a été reprise sans modifications essentielles par la loi du 9 juillet 1999 qui l'a incorporée au code rural sous les articles 641-1 et suivants. L'affaire étudiée ici s'est déroulée devant le Conseil d'Etat et s'appuie sur les textes antérieurs à 1999. Mais il ne semble pas que la solution serait différente, même après les nouvelles rédactions.En l'espèce, il existe une AOC Puisseguin Saint-Emilion (Gironde). Puisseguin est voisine de la commune aujourd'hui supprimée de Monbadon qui, elle, n'a jamais été reconnue comme aire d'appellation Saint-Emilion. Alors il s'est créé une association entre les divers propriétaires viticoles de l'ancienne commune avec pour objet essentiel d'obtenir pour leur terroir l'appellation Saint-Emilion. Ils n'ont pas agi à la légère. Ayant eu connaissance de l'affaire du château d'Arsac (également en Gironde), ils ont sollicité de la part d'un expert une étude complète (climat, sol...), le tout en comparaison avec le territoire de Puisseguin. Avec ce dossier, ils ont saisi l'Inao d'une demande de reconnaissance d'appellation Saint-Emilion. Sans même attendre l'avis du syndicat, l'Institut a explicitement refusé. C'est cette décision que l'association a déférée au Conseil d'Etat, juge en premier et dernier ressorts de ce contentieux. C'est la motivation du refus que va examiner la juridiction, permettant une réflexion sur le contrôle des décisions de l'Inao en la matière. L'acte attaqué portant refus s'exprimait comme suit : ' Il n'y a jamais eu d'usage de la dénomination Saint-Emilion dans l'aire de la commune de Monbadon. Par ailleurs, dans différentes instances, l'Institut a toujours soutenu par le passé l'appartenance de la commune de Monbadon à l'appellation côtes de Castillon '. Or, l'association avait fourni des éléments relatifs aux caractères géologiques du sol et du sous-sol de Puisseguin, reconnue comme aire AOC, et de Monbadon, démontrant une similitude topographique et pédologique. Pourtant, l'Institut n'avait pas tenu compte et encore moins répondu à l'argumentation de l'association. Le Conseil d'Etat en conclura que l'Inao a commis une erreur de droit. Ainsi le contentieux s'organise autour des éléments apportés par le demandeur et la réponse fournie par l'Inao. Par son arrêt du 20 septembre 1993 (château d'Arsac), le Conseil d'Etat a eu à contrôler le refus implicite de reconnaître à certaines parcelles l'appellation Margaux et il a été amené à apprécier la rigueur de l'étude réalisée à la requête du demandeur ; il a reconnu que les éléments techniques sur lesquels se fondait le refus de l'Inao ne résistaient pas à l'étude précise des demandeurs.Une autre décision du Conseil d'Etat (10 février 1995, commune de Fontaine-sur-Ay, n° 137 560) a été rendue dans un contexte particulier : c'était la commune qui demandait l'engagement d'une procédure de révision de l'aire de l'appellation Champagne. Au silence de l'Institut pendant quatre mois, la commune a répondu par un recours en annulation de ce silence valant refus. Il sera d'abord jugé que la commune est recevable à solliciter l'extension de l'aire sur son territoire. Sur le fond, le débat s'instaurera autour de l'article 17 de la loi du 6 mai 1919, remodelé par l'article 5 de la loi du 22 juillet 1927 : ' L'appellation d'origine Champagne n'est applicable qu'aux vins... qui sont récoltés dans les limites de la Champagne viticole '. Et il était ajouté par le Conseil d'Etat différentes considérations sur l'historique de l'appellation. Partant de cette réglementation et constatant au vu du dossier qu'avant l'invasion du phylloxera, un certain nombre de parcelles de la commune étaient plantées en vignes, le Conseil d'Etat annule le refus de révision de l'aire de production. A l'occasion de ces procédures que les intéressés sont amenés à diligenter, il faut rappeler un principe : c'est le décret qui réglemente la reconnaissance d'une appellation contrôlée, mais ce décret doit reproduire les propositions de l'Inao sans modification (Conseil d'Etat du 30 juillet 1997, n° 147 821). Il s'en déduit que ce sont les propositions de l'Inao qui doivent être contestées devant le Conseil d'Etat, qu'elles soient explicites ou implicites lorsqu'elles opposent un refus de reconnaissance. Référence : Conseil d'Etat, association des viticulteurs monbadonnais n° 183 632, 17 septembre 1999.

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