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Qui attaque l'Inao doit s'armer

La vigne - n°175 - avril 2006 - page 0

L'Inao est souverain pour délimiter l'aire d'une AOC. Il tranche à partir d'expertises de terroir. Ceux qui veulent contester ses décisions doivent faire, eux aussi, appel à des experts.

Voir ses terres reconnues aptes à produire de l'AOC est une chance. C'est même une aubaine lorsqu'il s'agit de Champagne. On comprend dès lors l'opportunité d'une action comme celle intentée par le maire de la commune du Thoult-Trosnay, située dans la Marne. Avec les habitants, il a demandé l'annulation du décret du 29 août 2002 relatif à l'appellation Champagne, au motif ' qu'aucune parcelle située sur la commune ne pouvait être retenue pour c...s l'AOC '.

Le Conseil d'Etat a rendu sa décision le 14 décembre 2005. L'argumentation des juges est riche d'enseignement pour ceux qui envisagent des actions similaires. Tout d'abord, l'arrêt relève que ' l'antériorité viticole c...s est au nombre des critères permettant de sélectionner les parcelles c...s dans une aire d'AOC ', mais ' elle ne constitue pas à elle seule un critère donnant droit au classement '. En clair : l'existence de vignes au début du siècle, sur la commune, ne suffit pas pour obtenir la reconnaissance en AOC. A l'appui de leur demande, les requérants ont mis en avant le constat suivant : ' Des parcelles situées dans des communes de la même vallée (que la commune du Thoult-Trosnay) se sont vu reconnaître l'appellation Champagne. ' Un argument que les juges ont balayé en répondant : ' Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces parcelles présenteraient des caractéristiques identiques à celles de la commune du Thoult-Trosnay. '
Pour les magistrats, il faut du concret. A ce titre, ils semblent satisfaits de l'expertise présentée par l'Inao. Ils notent qu'un ' rapport rédigé par des experts en géologie et en agronomie ' a servi de base au Premier ministre pour apprécier l'aptitude des parcelles de Thoult-Trosnay à produire du champagne. Ils ajoutent que ce rapport comporte ' une analyse détaillée des sols et sous-sols, de l'environnement, du climat et de la situation géographique, effectuée suivant une méthode de travail exposée avec précision '. Pour toutes ces raisons, ils donnent droit à l'Inao.

Cette affaire est à rapprocher de celle du château d'Arsac, dont les terres avaient été considérées par l'Inao inaptes à produire de l'AOC Margaux. Le litige opposant les deux parties avait abouti devant le Conseil d'Etat, le 20 septembre 1993. L'Inao a fait valoir devant cette juridiction des données techniques tirées du sol, du sous-sol, du climat et de son ensoleillement. Le château d'Arsac s'est défendu sur le même terrain. Il a fait procéder à une expertise par le renommé BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) prouvant que les parcelles du château présentaient bien les caractéristiques de l'appellation Margaux. Les juges en ont déduit que c'était à tort que cette AOC lui avait été refusée. On notera que la récolte pratiquée avant la décision du Conseil d'Etat n'a pas pu bénéficier de l'appellation.
Quelques années après cette décision, une commune de l'Aube, s'appuyant sur la définition du territoire Champagne, obtenait l'inclusion de ses terres dans l'AOC (arrêt du CE du 10 février 1995, Commune de Fontaine-sur-Ay). Plus récemment, un arrêt du 17 septembre 1999 applique la même jurisprudence aux viticulteurs de Monbadon (Gironde).

Réf CE 14 décembre 2005. Requêtes 251489, Commune de Thoult-Trosnay.

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