Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

SCEA, une personne morale distincte de ses membres

La vigne - n°144 - juin 2003 - page 0

L'administration n'a pas à prendre en compte la situation des associés d'une société civile d'exploitation agricole qui demande des droits de plantation. Une telle société est dotée d'une personnalité morale distincte de celle de ses membres.

Dans le monde de la viticulture en appellation, deux faits sont en progression : le désir de s'agrandir et le phénomène sociétaire. La cour d'appel administrative de Lyon vient d'avoir à trancher un conflit né de leur juxtaposition. Une société civile d'exploitation agricole exploite un domaine viticole en Bourgogne. Cette SCEA souhaite augmenter sa production. Propriétaire de terres aptes à porter l'AOC, elle est démunie de droits de plantation. Elle demande l'attribution de 2 ha et 43 ares, en application de l'article 36 du décret du 30-09-53 : ' Peuvent seules être autorisées [...], dans la limite des contingents annuels fixés conformément à la réglementation communautaire, les plantations nouvelles de vignes remplissant les conditions définies ci-après : les plantations nouvelles destinées à produire des vins d'appellation d'origine sont autorisées sur proposition de l'Inao. Un arrêté du ministre de l'Agriculture et de celui chargé de l'Economie et des Finances, pris sur proposition de l'Inao, fixe les critères applicables pour l'attribution des autorisations par AOC '.

En d'autres termes, cela signifie que c'est l'Inao qui propose, mais c'est le ministre de l'agriculture qui prend la décision.
Dans notre cas, la SCEA se voit opposer un refus. Elle agit devant le tribunal administratif et obtient une annulation du refus du ministre. Si le jugement avait été définitif, la société aurait peut-être pu demander, en application de l'article L 911-1 du code des tribunaux administratifs, qu'il soit enjoint au ministre de délivrer l'autorisation de plantation sollicitée. Mais l'administration a interjeté appel devant la cour administrative de Lyon.
Cette juridiction a rappelé que l'article 36 du décret du 30-09-53 exige qu'un arrêté soit pris pour fixer, chaque année, les critères retenus par l'Inao pour l'attribution de droits de plantation. Or, pour l'année considérée, les quatre critères de priorité étaient : 1 - Jeune viticulteur. 2 - Demandeur de moins de 60 ans exploitant de 1 à 20 ha. 3 - Demande inférieure à 10 ares pour complément de parcelle. 4 - Autres demandeurs.
Certes, deux des associés exploitant la SCEA avaient moins de 60 ans. Ils relevaientde la deuxième catégorie de priorité. Mais la SCEA constitue une société civile de droit commun, régie par les articles 1 845 et suivants du code civil, dotée d'une personnalité morale distincte de celle de ses membres. En conséquence, la demande devait être appréciée au regard de la seule situation de la société, et non par rapport à celle des associés. Or, la société ne correspondait à aucun des trois premiers critères retenus par l'Inao pour l'année en cours. Elle ne pouvait entrer que dans la quatrième catégorie. Malheureusement, après les attributions aux demandeurs remplissant les trois premiers critères de priorité, le contingent était épuisé. La cour a conclu que c'est avec raison que le ministre a refusé l'autorisation sollicitée.
On notera que la demanderesse de l'autorisation était une SCEA pour laquelle la cour a insisté sur la différence entre personne morale et associés la composant. Dès lors, une question vient à l'esprit : que se serait-il passé si la société sollicitant des droits de plantation avait été un Gaec ? L'article L 323-13 du code rural prévoit que les associés d'un Gaec, considérés comme chefs d'exploitation, ne peuvent en aucun cas être dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation en ce qui touche leurs statuts économique, social et fiscal. C'est ce que l'on appelle la transparence. Par ailleurs, l'article R 323-48 de ce même code vise, au titre de la transparence, le contingentement de la production. On pourrait en conclure que les deux associés ayant moins de 60 ans, s'ils avaient été membres d'un Gaec au lieu d'une SCEA, auraient pu obtenir les droits de plantation dans le cadre du deuxième cas de priorité prévu par l'Inao pour l'année considérée.

Référence : cour administrative d'appel de Lyon, arrêt du 7-03-02, Inao contre SCEA Les Treilles.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :