Ce n'est pas du champagne, mais tout de même des côtes-du-rhône-villages. Marcel en a hérité au décès de son père. Déjà habitué à travailler sur la propriété, il a continué l'exploitation. Mais les ceps ont vieilli. L'esca a délabré certaines parcelles et de coûteux travaux se sont imposés.
Pour continuer l'exploitation et trouver des capitaux, il décide de constituer une SCEA - société civile d'exploitation agricole - à laquelle les tiers intéressés participent financièrement alors que Marcel y apporte la jouissance de son vignoble. Les apporteurs de fonds ont ainsi confié à Marcel la gérance de la société. Autrement dit, il prend les initiatives financières pour la gestion de l'entreprise et est immatriculé à la MSA comme exploitant gérant.
Lors du bilan de la première année d'activité, les associés ont critiqué sa gestion dans la conduite de l'exploitation. Ils trouvaient trop de dépenses incontrôlées.
Mais les associés ont besoin de Marcel. Il est le seul à pouvoir augmenter les revenus de la société par sa qualité de vigneron. L'assemblée prend donc une décision : à partir du 1er février, Marcel n'est plus gérant de la société mais seulement gérant technique appointé, devenant salarié et cédant toutes ses parts aux autres associés. Doit-il alors cotiser à la MSA au titre de ses anciennes fonctions pour l'année entière ou seulement pour les quelques semaines où il a effectivement exercé la gérance de la société ?
Un tel cas de figure s'est présenté devant le tribunal des affaires sociales et, en dernier lieu, devant la Cour de cassation. Depuis le 10 février 2010, un agriculteur n'était plus chef d'exploitation et, cependant, la MSA lui réclamait l'intégralité des cotisations dues pour 2010.
Il a demandé à la MSA de réduire la somme réclamée au montant correspondant à un mois et dix jours de l'année 2010, alors qu'il était devenu salarié de la société et immatriculé en tant que tel. La commission de recours amiable de la MSA puis le tribunal des affaires de Sécurité sociale lui ont donné tort. Sûr de son bon droit, Marcel s'est pourvu en cassation. Mal lui en a pris.
La Cour de cassation a confirmé le jugement précédent. Son motif est à retenir. Selon elle, il résulte de l'article L. 731-10-1 du code rural que les cotisations dues par les chefs d'exploitation et, du même coup, les gérants de SCEA comme de GFA exploitant sont fixées pour chaque année civile. La situation du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole est appréciée au premier jour de l'année civile pour laquelle ces cotisations sont dues. En cas de cessation de l'activité au cours de l'année, le chef d'exploitation ou d'entreprise est tenu au paiement des cotisations pour l'année entière.
Il en résulte que, même si Marcel n'est plus chef d'exploitation à partir du 1er février et même s'il était immatriculé comme salarié à partir de cette date, il doit s'acquitter des cotisations de chef d'exploitation pour toute l'année.
Pourra-t-on soutenir que la société doit supporter les cotisations réclamées à Marcel, alors qu'il n'est plus chef d'exploitation ? Le problème se présente aussi lorsqu'un propriétaire vend son bien foncier en cours d'année. Il supporte la taxe foncière pour l'année entière, quelle que soit la date de la vente. Quitte à se faire rembourser proportionnellement par l'acquéreur.
Cour de cassation, 4 avril 2013, n° 12 13795