Les résidus de lysozyme engendrent des troubles protéiques irréversibles dans les vins blancs au-delà de 45°C. Aussi, les prescripteurs préconisent de les éliminer par collage à l'acide métatartrique, puis à la bentonite.
Le lysozyme, protéine du blanc d'oeuf, est venu étoffer la mallette du vinificateur. Efficace contre les bactéries lactiques, il persiste dans les vins blancs et rosés traités, et les rend instables à la chaleur. Il augmente le risque de casse protéique. Or, il ne s'agirait pas qu'un auxiliaire oenologique cause plus de problèmes qu'il n'en résout.
L'ITV de Beaune (Côte-d'Or) a conduit des essais afin de préciser les situations à risque. Les fabricants de lysozyme, le Suisse Fordras et le Canadien Inovatech, se sont associés à ses travaux, menés en 2002. L'ITV a testé une quarantaine de blancs : des gewurztraminers d'Alsace, des chardonnays de Bourgogne, des sauvignons du Val de Loire et du Bordelais. Tous ces vins avaient été séparés en deux lots dès la fin de la fermentation alcoolique : l'un additionné de lysozyme à 250 mg/l, l'autre sulfité à 50 mg. L'ITV a suivi leur stabilité protéique à des températures différentes.
Une première batterie de tests a été faite deux mois après traitement au lysozyme. Les vins ont été incubés à 25, 40 ou 55°C, pendant une semaine. Quel que soit le cépage, les résultats sont les mêmes : à 25 et 40°C, la turbidité n'augmente pas.
A 55°C, les vins se troublent systématiquement. Restait à déterminer la température critique. Une deuxième série de tests a eu lieu huit mois après traitement. Toujours pas de trouble en dessous de 40°C, voire une turbidité inférieure dans les lots lysozymés par rapport aux sulfités. ' A ces températures, dans nos essais, les résidus de lysozyme auraient presque un effet protecteur ', note Vincent Gerbaux de l'ITV de Beaune.
A 45°C, les deux lots d'un même vin affichent une turbidité plus élevée. Mais, ensuite, lorsqu'on augmente la température, la turbidité des vins sulfités se stabilise avec seulement 2 à 3 NTU supplémentaires, alors que le trouble croît avec la température dans les échantillons lysozymés, jusqu'à dépasser 100 NTU à 55°C !
Ainsi, dans un vin blanc contenant du lysozyme, un trouble irréversible apparaît au-delà de 45°C. En cours de stockage, de telles températures sont rares. Mais elles peuvent survenir lors d'un embouteillage à chaud, ou d'un transport. De ce fait, les prescripteurs encouragent l'élimination systématique du lysozyme des vins blancs traités, avant la mise en bouteilles. D'autant plus que l'ITV de Beaune a aussi montré que les bouchons de liège peuvent libérer des tanins dans le vin, qui floculent et forment des troubles avec les protéines naturelles ou exogènes comme le lysozyme.
La bentonite élimine les protéines, donc le lysozyme, mais à dose élevée. ' Pour préserver le vin, il est possible de réduire la dose en ajoutant, quelques heures avant le collage, de l'acide métatartrique qui se complexe au lysozyme ', explique Christophe Gerland, d'Intelloeno (Drôme). La bentonite précipite ensuite les complexes au fond de la cuve.
Martin-Vialatte et Fordras proposent un test pour déterminer la dose nécessaire d'acide métatartrique. Il s'agit d'en ajouter une quantité croissante à un vin, puis de mesurer le trouble obtenu au bout de quelques minutes. Rapidement, on arrive à un seuil au-delà duquel le trouble ne progresse plus. On retient la quantité correspondante. Souvent, elle se situe entre 5 et 10 g/hl. Deux heures après avoir ajouté la bonne dose d'acide métatartrique, on répartit le vin dans plusieurs tubes à essai où l'on verse des doses croissantes de bentonite. Le lendemain, on sépare le surnageant du dépôt et on fait un test à la chaleur. Mais depuis peu, il existe un test plus rapide pour déterminer la dose de bentonite : le Prostab.
Pour éliminer le lysozyme, 10 à 20 g/hl de bentonite suffisent. Mais si le vin contient des protéines naturelles instables, cette dose ne les éliminera pas ; il faudra davantage de bentonite pour éviter toute casse protéique.