Bientôt autorisée à l'emploi, la lysozyme a une action spécifique sur les bactéries lactiques. Elle pallie les carences du SO2 dans des situations spécifiques.
L'utilisation de la lysozyme est inscrite dans la nouvelle OCM, qui entrera en application le 1er août 2000. On pourra employer cette enzyme au sein de l'Union européenne.Quel est son rôle? Le contrôle des bactéries lactiques est habituellement assuré par le SO2. Cependant, ce composé pose des problèmes de stabilité dans les vins et présente des désagréments pour l'homme. De plus, son efficacité diminue quand le pH augmente. La stabilisation microbiologique des vins les plus favorables aux bactéries lactiques est donc problématique. La lysozyme, extraite du blanc d'oeuf, est utilisée dans les industries pharmaceutique et agroalimentaire pour des fromages à pâte cuite. Son aptitude à dégrader la paroi des bactéries lactiques est connue et contrairement au SO2, son efficacité croît quand le pH augmente. En oenologie, l'emploi de la lysozyme évite celui de SO2 pour la maîtrise des bactéries lactiques. Le sulfitage est alors mieux ciblé sur les problèmes d'oxydation ou de stabilisation finale des vins. De plus, cette enzyme n'a aucun effet sur les levures, ce qui est un atout lorsqu'elles doivent être favorisées.Les expérimentations conduites en Bourgogne sur le chardonnay, en Bordelais et en Touraine sur le sauvignon, et en Alsace sur le gewurztraminer montrent qu'une addition de 500 mg/l de lysozyme sur moût ou que deux additions de 250 mg/l, d'abord sur moût puis sur vin, permettent d'inhiber durablement la fermentation malolactique. L'emploi de bentonite diminue cependant l'efficacité de la lysozyme, qui est une protéine.Mais le sulfitage au cours de l'élevage reste indispensable pour éviter les problèmes d'oxydation. Les expérimentations sur le sauvignon et le gewurztraminer montrent que les vins élaborés avec de la lysozyme et peu de SO2 sont de niveaux qualitatifs équivalents ou supérieurs aux vins vinifiés classiquement avec uniquement du dioxyde de soufre en quantité plus élevée.Dans les vins rouges, en l'absence de traitement de stabilisation, la population de bactéries lactiques reste très élevée pendant plusieurs mois. L'addition de 250 mg/l de lysozyme permet une réduction de cette flore équivalente à celle d'un sulfitage à 50 mg/l. Une dose de lysozyme réduite à 125 mg/l s'avère également intéressante. Les teneurs en acidité volatile n'évoluent pas. Ce n'est pas le cas des lots témoins non traités dont l'évolution est nette dans les semaines suivant la fermentation malolactique.Les amines biogènes sont aussi de bons indicateurs de l'activité des bactéries lactiques dans les vins. Les teneurs en histamine, tyramine et putrescine augmentent nettement dans les lots non traités alors qu'elles restent faibles pour les lots additionnés de lysozyme. L'apport de cette enzyme après malo, à une dose de 200 mg/l, a été testé dans différents vignobles, en comparaison avec un sulfitage à 30 mg/l.Les analyses sensorielles réalisées sur les vins finis montrent que les lots stabilisés avec de la lysozyme, et présentant des teneurs en SO2 réduites, sont de niveaux qualitatifs équivalents ou supérieurs à ceux sulfités. Les applications pratiques réalisées en Bourgogne sur des cuvées de pinot noir élevées en fûts de chêne confirment ces résultats. Dans le cas des vins de chardonnay, l'addition de lysozyme après la fermentation malolactique présente un intérêt moindre car la population bactérienne régresse spontanément sans aucun traitement.Lors d'un ralentissement ou d'un arrêt prématuré de la fermentation alcoolique, le risque de piqûre lactique est d'autant plus important que le pH du vin est élevé. L'emploi de SO2 pose alors le problème de l'inhibition des levures. Une addition de lysozyme, dont l'effet inhibiteur porte seulement sur les bactéries lactiques, apparaît plus logique. Cette technique a été testée en Alsace sur des vins de pinots gris et blanc, et d'auxerrois. L'addition de 300 mg/l de lysozyme dans des vins contenant plusieurs dizaines de grammes par litre de sucres résiduels, et présentant un début de piqûre lactique, permet une stabilisation de l'acidité volatile et un bon achèvement de la fermentation alcoolique. Parallèlement, la dégradation des sucres est plus lente dans les témoins non traités et la piqûre lactique se développe. Là, le SO2 apparaît peu efficace à cause d'importants phénomènes de combinaison.L'encuvage de vendanges entières favorise la réalisation précoce de la fermentation malolactique et expose ainsi au risque de piqûre lactique. De plus, pour les vins primeurs, l'utilisation de SO2 est minimisée pour prévenir les problèmes de réduction. L'addition de 100 mg/l de lysozyme à l'encuvage permet de repousser l'achèvement de la malo après l'épuisement des sucres par les levures. Ce traitement s'est montré plus efficace qu'un classique sulfitage à 40 mg/l. En vendange entière, la phase liquide est limitée au départ. La quantité de lysozyme ajoutée, calculée pour l'ensemble de la cuvée, correspond à une concentration initiale élevée dans le jus de fond de cuve, avec une forte activité sur les bactéries lactiques. Après l'extraction du jus, une dilution s'opère.Quelle est la stabilité de la lyzozyme dans le vin? Une étude a été conduite sur des moûts de chardonnay et de pinot noir additionnés de lysozyme à différents moments de la vinification : 500 mg/l avant fermentation alcoolique, ou 500 mg/l après cette fermentation, ou 250 mg/l après la malo. Les teneurs retrouvées dans les vins deux mois après le traitement présentent des différences très importantes selon le moment de l'ajout et le type de vinification.Ainsi, dans le cas du chardonnay, 50 à 60% de la quantité de lysozyme apportée sont retrouvés lorsqu'elle est ajoutée après les fermentations alcoolique ou malolactique, contre seulement environ 15% lorsqu'elle est ajoutée avant la fermentation alcoolique. Dans le cas du pinot noir, ces pourcentages sont nettement diminués. La combinaison de la lysozyme avec les composés phénoliques des vins rouges est très importante.Les vins blancs traités avec cette enzyme conservent donc une certaine quantité de ce composé après la mise en bouteilles. Selon le test à la chaleur (chauffage à 80°C pendant 30 minutes), les vins obtenus présentent une instabilité protéique marquée. Cependant, aucun vin expérimental n'a développé de casse protéique. Un trouble apparaît en bouteilles à partir d'un séjour prolongé à une température de l'ordre de 50°C. La stabilité de la lysozyme ne doit donc pas poser de problème pour les températures habituelles de transport et de conservation des vins en bouteilles.