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Le lysozyme bloque la malo mais allège peu le sulfitage

La vigne - n°138 - décembre 2002 - page 0

Les vignerons ont employé le lysozyme à différentes étapes de la vinification, pour être sûrs que la fermentation alcoolique s'achève sans déviation bactérienne, ou pour bloquer la malo après la fin des sucres. Rares sont ceux qui s'en sont servis pour réduire le sulfitage.

'Cette année, on a utilisé l'équivalent de 7 000 hl de lysozyme ', annonce Amicie de Fréminville, oenologue au laboratoire Obst, à Saint-Etienne-des-Oullières (Rhône). Quand on connaît le prix d'un traitement (3,75 euros/hl pour un ajout de 25 g/hl), on imagine que les utilisateurs ont de bonnes raisons de le faire.
Lors de la vinification beaujolaise, par macération carbonique de grains entiers, le lysozyme trouve une application intéressante. Il diffère le déclenchement d'une fermentation malolactique toujours prête à démarrer. ' Dans 90 % des cas, on l'utilise en préventif pour éviter que la malo ne commence alors que les sucres ne sont pas finis. D'habitude, on acidifie beaucoup, surtout les primeurs, pour abaisser le pH. Cette année, avec des pH élevés et des degrés très bas, on a évité beaucoup d'acidifications, en ajoutant 10 à 13 g/hl de lysozyme à l'encuvage. '

Après cinq années d'utilisation, dont quatre à titre expérimental, Amicie de Fréminville est séduite : ' C'est révolutionnaire. Cela nous change la vie en nous apportant un grand confort de travail . ' Et dans les quelques cas où la malo se termine avant la fermentation alcoolique, les vinificateurs ajoutent 25 g/hl de lysozyme. Les bactéries meurent. Cela permet d'éviter que la piqûre lactique apparaisse ou qu'elle s'aggrave, et de limiter l'acidité volatile, le temps que la fermentation alcoolique se finisse. ' Le coût du lysozyme n'est pas vraiment un problème, comparé au prix de l'acide tartrique que nous utilisions pour acidifier, ou si l'on tient compte du fait que, sans lui, certaines cuves seraient perdues ! '
Mais attention à l'emploi d'acide métatartrique sur des vins traités au lysozyme : ajouté avant la mise pour obtenir une stabilisation tartrique momentanée, il agit comme une colle vis-à-vis du lysozyme. ' C'est, en général, sur les blancs traités que des accidents se produisent. Sur les rouges, le problème n'existe pas , note Amicie de Fréminville. Il suffit de le prévoir. On ajoute l'acide métatartrique dans la cuve, trois jours avant la mise. Le trouble est immédiat. On attend que le précipité tombe, puis le vin est clair. On peut embouteiller. '
En Alsace, après les vendanges, la température chute rapidement dans les caves. Avant, lorsque les fermentations ralentissaient, les vinificateurs avaient le choix entre réchauffer les cuves ou ne rien faire. Dans le premier cas, ils prenaient le risque de déclencher la malo. Dans le second, ils s'exposaient à un arrêt des levures. Or, le lysozyme évite le départ de la malo avant la fin des sucres. Parce qu'il n'agit que sur les bactéries lactiques (au contraire du SO 2), il permet aux populations de levures de reprendre possession du milieu. L'activité fermentaire redémarre sans qu'il soit nécessaire de relevurer une cuve languissante.
En revanche, l'Alsace n'envisagerait pas d'utiliser le lysozyme pour réduire les doses de SO 2. Des essais ont été faits sur du gewurztraminer peu acide. Le lysozyme a cela de séduisant, qu'il est d'autant plus efficace que le pH est élevé, au contraire du SO 2. ' Mais ce n'est pas une voie intéressante , regrette Eric Meistermann, directeur de l'ITV de Colmar. Sur les blancs dont on ne souhaite pas faire la malo, le lysozyme n'a pas trop d'intérêt, puisqu'il faut du SO 2 pour les protéger de l'oxydation et qu'il suffit pour bloquer les bactéries lactiques . '

En vallée du Rhône, ' ce n'était pas une année à lysozyme ', disent certains. Les richesses en sucres élevées, favorisant les arrêts fermentaires, n'étaient donc pas le souci du millésime. Malgré cela, le produit a rendu service. ' L'ajout de 15 à 20 g/hl sur la vendange a permis un bon décalage entre la fin de fermentation alcoolique et le début de la malo , remarque Christophe Garnier, oenologue à la chambre d'agriculture de la Drôme, mais c'était peut-être lié au millésime. ' Les caves pratiquant la micro-oxygénation recherchent ce décalage, car elles veulent apporter de l'oxygène avant la seconde fermentation. ' On a remarqué également que le lysozyme utilisé pendant l'élevage donne parfois, à la dégustation, des tanins plus fondus, plus fins. Ces résultats méritent d'être confirmés, mais cela fait penser à un collage à l'albumine . '
En Bourgogne, le produit trouve une utilité dans la vinification des pinots noirs ' car, d'après les travaux de Vincent Gerbaux (ITV de Beaune), explique Eric Grandjean, oenologue conseil à l'interprofession (BIVB), plus la malo est tardive, plus la couleur du vin est stable et intense. On apporte donc du lysozyme en fin de fermentation alcoolique ou après pressurage pour empêcher la malo, le temps que la température, en baissant dans les chais, bloque la malo jusqu'au printemps . ' Les essais du BIVB auraient donné des vins plus colorés que le témoin, plus ronds et plus ouverts sur le plan aromatique.
De plus, le lysozyme est utilisé à 15-20 g/hl, en complément du sulfitage de fin de malo. La dose de SO 2 peut ainsi être réduite de 20 mg/l. Ce produit pourrait aussi être employé pour éliminer les bactéries d'altération pouvant se développer dans des vins peu filtrés. ' Il y a de multiples applications, mais cela reste un apport secondaire ', estime Eric Grandjean.



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