Les arômes variétaux et leurs précurseurs sont localisés dans la pellicule. Pour les extraire, il faut faire macérer la vendange. L'élevage sur lies permet de les prolonger.
Comme dans les vins blancs, ce sont des thiols volatils qui constituent l'arôme variétal des rosés et clairets de Bordeaux. Le 3-mercaptohexanol (ou 3MH) leur confère des notes de fruits de la passion et de pamplemousse ; l'acétate de 3-mercaptohexyle (A3MH), son ester, des notes de fruits de la passion et de buis. Des études espagnoles montrent que le 3MH est très présent dans les rosés de grenache, de même que le mélange de furanéol et homofuranéol (arômes torréfiés).
Ces composés sont peu stables : ils disparaissent très vite en bouteille, encore plus en cuve. Cela justifie que ' les meilleurs rosés doivent être mis en bouteilles en février-mars et bus rapidement ', estime Marie-Laure Murat, directrice du laboratoire Sarco, à Floirac (Gironde). Au cours de sa thèse à la faculté d'oenologie de Bordeaux, elle a identifié quelques éléments protecteurs de ces arômes, parmi lesquels les anthocyanes. ' Attention, nuance-t-elle, il ne s'agit pas de la couleur. Cela ne signifie pas qu'un vin plus coloré gardera ses arômes plus longtemps. '
Autre facteur protecteur des thiols volatils : l'élevage sur lies, comme cela a été montré pour les vins blancs. Les moûts doivent être protégés très tôt de l'oxydation, par inertage des cuves et sulfitage de la vendange. ' Le précurseur du 3MH (P-3MH) n'est pas sensible à l'oxydation. En revanche, l'oxygène contribue à former des quinones dans le moût et ces dernières sont très réactives. Elles piègeront les arômes au fur et à mesure qu'ils seront révélés par la levure pendant la fermentation ', met en garde Marie-Laure Murat.
Au-delà de la protection des arômes variétaux, le vinificateur peut agir pour extraire davantage de précurseurs. ' Le P-3MH est essentiellement situé dans la pellicule, explique l'oenologue bordelaise. Les techniques préfermentaires joueront donc un rôle fondamental. ' Même si ce n'est pas encore clairement démontré, il est probable que ce soit aussi le cas pour les autres cépages. La température facilitant l'extraction, cette dernière se fait plus vite à 20°C qu'à 10°C, mais pas beaucoup moins vite qu'à 25°C, selon Marie-Laure Murat. 20°C semble un bon compromis pour extraire des composés, tout en évitant les départs en fermentation.