Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2004

Face aux douaniers, ayez les bons réflexes

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

L'intervention des douaniers répond à des modalités précises. Il est bon de les connaître pour que le contrôle se passe bien. Il ne faut pas hésiter à se faire assister d'un collègue pendant le contrôle, et d'un avocat lors de la convocation pour la signature du procès-verbal.

'En quarante-cinq ans de carrière, j'ai été contrôlée à deux reprises par les douanes, témoigne une viticultrice bordelaise. La première fois, les agents étaient courtois, tout en étant sérieux. Ils faisaient leur travail normalement. Lors de la seconde visite, j'ai eu affaire à des personnes sûres d'être chez une fraudeuse, avant d'entrer dans mon caveau. J'avais créé une EARL quelques années auparavant. Pour l'un des agents, c'était dans le but d'alimenter un compte en Suisse ! '
Pour que le contrôle s'opère dans les conditions optimales de sérénité et de confiance, il faut connaître les pouvoirs des douaniers, afin de contenir les plus zélés, mais aussi pour ne pas se mettre en infraction par une attitude inappropriée.
Tout d'abord, il faut savoir dans quels lieux les contrôles peuvent se dérouler. Dès que le véhicule est chargé, le vigneron doit être en mesure de montrer les titres de mouvement. Les locaux professionnels, leurs annexes et leurs dépendances peuvent naturellement être visités, de 8 à 20 heures, ainsi qu'à tout moment, dès lors où le caveau est ouvert au public. Un contrôle débuté avant 20 heures peut s'achever après cet horaire butoir.
La visite des lieux privés, qui peut s'effectuer entre 6 et 21 heures, répond à des normes plus strictes. Elle doit avoir été préalablement autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance et les agents des douanes doivent être accompagnés d'un officier de police judiciaire, c'est-à-dire un fonctionnaire de police ou de gendarmerie. L'inspection des lieux privés peut aussi avoir lieu en cas de flagrance, c'est-à-dire lorsque les douaniers ont constaté une infraction. Dans ce cas, la visite s'opère immédiatement et sans la présence d'un officier de police judiciaire.

Lors du contrôle, la présence du chef d'exploitation n'est pas obligatoire. La personne qui accueille les douaniers est autorisée à en informer le chef d'exploitation, mais le contrôle débutera sans l'attendre. ' Les vignerons doivent vérifier la carte professionnelle des contrôleurs, recommande Michel Desilets, avocat au barreau de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Cette démarche permet de remettre chaque personne à sa place.
Ensuite, il est conseillé d'appeler un collègue ou le membre du syndicat viticole pour assistance passive, car il est difficile d'être seul face à quatre ou cinq contrôleurs. Vous courez d'une pièce à l'autre, vous êtes sous le feu des questions, et c'est déstabilisant . '
Lors du contrôle, les douaniers ont accès aux documents de l'entreprise, à savoir tout ce qui touche à la comptabilité, la production, les traitements oenologiques et les ventes. Ils peuvent aussi regarder tous les supports - papiers et informatiques - qu'ils soient officiels ou internes, et peuvent prélever des échantillons de produits détenus par le vigneron.

Il est interdit de s'opposer ou d'entraver un contrôle, sous peine d'une amende de 75 à 7 500 euros. En cas de récidive, le contrevenant s'expose à six mois d'emprisonnement, en plus de l'amende.
Les douaniers disposent d'un pouvoir général de saisie lorsqu'ils constatent une infraction. On distingue trois formes de saisie. Avec la saisie réelle et effective, l'objet incriminé ne pourra plus être utilisé ou transporté sans l'autorisation de l'administration. Une cuve de vin peut ainsi être mise sous scellés. Les juges rendront éventuellement l'objet saisi au vigneron en échange d'une amende, ou le vendront au profit du Trésor. La deuxième forme de saisie, la saisie fictive, s'exerce sur un objet disparu, dont la valeur sera estimée de gré à gré ou d'office par les Douanes en cas de désaccord. Le vigneron devra payer la valeur estimée de l'objet. Enfin, la saisie, suivie de main levée, est la moins pénalisante, car elle permet au vigneron de poursuivre son activité en échange d'une garantie de solvabilité, telle la consignation d'une somme, une caution ou encore la promesse, enregistrée dans le procès-verbal, de présenter l'objet à la demande du tribunal.

Toute infraction doit être enregistrée dans un procès-verbal (PV) de constat, établi à l'issue du contrôle. Puis un PV de délit sera rédigé par l'administration.
' Les agents des douanes doivent motiver leurs décisions, rappelle Emmanuel Olivari, conseiller juridique au Syndicat général des Côtes du Rhône. Parfois, des agents déclarent aux vignerons qu'ils auraient dû faire telle et telle chose, alors qu'aucun texte ne le prévoit. Il faut demander les références du texte avant de signer un procès-verbal. '
Michel Desilets préconise aussi la vigilance : ' Une estimation de gré à gré ne pourra plus être remise en cause si elle est signée. Or, le montant des pénalités correspond, en général, à trois fois la valeur du bien sur lequel porte l'infraction. Mieux vaut laisser l'administration évaluer d'office, ce qui laisse une marge de manoeuvre de discussions ensuite. '

' Par exemple, les cours du vin peuvent baisser. Je conseille aux vignerons de ne pas viser l'économie et de se faire assister par un avocat, lors de la convocation pour la rédaction et la signature du procès-verbal. Parfois, des douaniers qui avaient mené un contrôle musclé, changent de ton par la seule présence d'un conseil. Il est important de montrer que l'on ne va pas tout accepter, et que le contradictoire peut s'exercer. Il est également possible de se faire représenter ou assister d'un collègue. Il n'est pas obligatoire de signer un procès-verbal. '
Seules les amendes fiscales et les majorations d'impôts peuvent faire l'objet de transactions. Les droits fraudés ne donnent pas lieu à des négociations. Le vigneron a trente jours, à compter de la proposition de l'administration, pour accepter la transaction.


EN SAVOIR PLUS
' Contrôles des douanes et de la répression des fraudes et droits des viticulteurs ', document rédigé par Aurélie Ejarque, diffusé par la Cnaoc et la Confédération des vignerons du Val de Loire.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :