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archiveXML - 2004

Avant d'être jugé, un Gaec doit être entendu

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Le Conseil d'Etat a invalidé une décision du comité national d'agrément des Gaec : ce dernier n'avait pas respecté le droit des membres du groupement à être entendus.

Depuis des dizaines d'années, de nombreuses exploitations viticoles ont été constituées sous forme de Gaec (groupements agricoles d'exploitation en commun). Chaque membre participe à l'exploitation et bénéficie des résultats sans se défaire de la propriété foncière du vignoble. La législation qui régit ce type de société (loi du 8 août 1962, article L 323 et suivants du code rural) prescrit que ces Gaec doivent avoir fait l'objet d'une reconnaissance par un comité départemental d'agrément (L 323-11). La composition de celui-ci est prévue par l'article R 323-2 du code rural : des fonctionnaires (DDA, inspection du travail, impôt), un notaire et des exploitants agricoles. Une fois agréés, les Gaec doivent communiquer à ce comité certaines de leurs décisions, en particulier lorsqu'elles touchent au fonctionnement de la société (exemple : dispense de l'obligation au travail prévu par l'article R 323-32).
En fonction des informations qui lui sont ainsi fournies, le comité départemental peut décider de retirer l'agrément. Ce sera le cas si l'un des associés a cessé sa participation à l'exploitation, même si son départ est l'objet d'une instance devant le juge judiciaire.
Même chose si un associé ne détient plus que 5 % du capital... ou si, en présence de trois associés, chacun se contente d'une tâche spécifique à l'intérieur du groupement.

Le comité départemental est également tenu d'apprécier la conformité de la dispense à l'obligation de travail à l'article R 323-32. C'est un organe administratif, et non judiciaire. Il rend donc des décisions administratives. Quelles sont leurs portées ? Quelles sont les voies de recours contre de telles délibérations qui s'apparentent à des sentences, lorsqu'il s'agit de prononcer le retrait d'agrément d'une exploitation en place depuis plusieurs années ?
L'article R 323-21 prévoit que lorsque le comité départemental a eu connaissance d'une irrégularité dans le fonctionnement d'un Gaec reconnu et qu'il retire l'agrément, il doit permettre à la dite société de présenter des observations écrites pour contester ce qui lui est reproché et même ses observations orales. De la même manière, ce comité est tenu de motiver son refus ou retrait d'agrément (L 323-11). Sa décision ne fait pas l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, mais d'une saisie du comité national d'agrément dont la composition est prévue par l'article R 323-5. Si le comité national confirme le retrait ou le refus, le Gaec pourra se pourvoir devant le Conseil d'Etat, juge en premier et dernier ressort.
C'est ce qui s'est passé dans l'exemple suivant. Jean et sa mère constituent un Gaec. Après quelque temps, la mère se retire et cède ses parts à Lucienne, concubine de Jean. La société n'est donc constituée que de deux personnes vivant maritalement, ce qui est impossible selon l'article L 323-2. Une procédure de retrait est aussitôt engagée.
Devant le comité départemental, le retrait n'est pas prononcé. Il le sera devant le comité national. Cette instance ' parisienne ' n'y étant pas tenue par les textes omet d'inviter Jean et Lucienne à présenter leurs observations écrites ou orales. Que vont faire les deux associés ? Ils défèrent au Conseil d'Etat la position adoptée par le comité national.
La haute juridiction n'aura pas à se prononcer sur le fond du débat. Elle va mettre à néant ce qui a été décidé pour une question de procédure. L'arrêt du Conseil d'Etat est riche d'enseignement, car il affirme que malgré la carence des textes relatifs à son fonctionnement, le comité national doit respecter les règles énoncées par l'article R 323-21 pour le comité départemental. Le comité national doit informer les parties concernées qu'elles peuvent présenter des observations écrites ou même demander à être entendues. A défaut, sa décision est mise à néant.
On trouve dans cette argumentation juridique une illustration implicite de l'utilisation de l'article 6 de la Convention européenne qui exige que chacun ait droit à ce que sa cause soit entendue équitablement.

Référence : Conseil d'Etat, 7 janvier 2004, réq. 2 520 081.

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