En 1993, le gouvernement portugais fait appel à un ponte du marketing, l'Américain Michael Porter. Au terme de son analyse, il définit les domaines de prédilection du pays : le tourisme, l'industrie du liège, les chaussures et le vin. Il appelle cela les clusters (grappes).
A la suite de son travail, en 1997, naît Viniportugal, une interprofession réunissant toutes les productions, sauf le porto et le madère. Son but : promouvoir les vins à domicile et à l'export, avec un budget de communication, en 2004, de 4,5 Meuros. En 2002, Viniportugal refait appel au gourou médiatique. Les raisons sont simples. ' Quand j'ai commencé dans l'industrie viticole, en 1970 , se souvient Vasco d'Avillez, président de Viniportugal, nous buvions 85 l de vin par an et par habitant, contre seulement 50 l aujourd'hui. ' Sur les 6,5 Mhl produits par an (hors porto et madère), 5 Mhl sont bus au Portugal et 1 Mhl à l'export. Il reste 500 000 hl de surplus.
L'industrie viticole ressemble à celle de la France : ' Le manque de réaction des producteurs et la taille des propriétés, souvent éclatées en minuscules parcelles, rendent peu évidents les retours sur investissements . ' Seulement 16 % du vignoble ont été restructurés. La bureaucratie, ' surréaliste ' selon Paulo Amorim, vice-président de Viniportugal, n'aide pas.
Malgré cela, ce pays, qui cultive une dévotion à la vigne, au vin et à la gastronomie, a de sérieux atouts, dont il aurait tort de se passer. Michael Porter a dégagé deux orientations majeures. Il conseille de miser à fond sur ses propres cépages. Pour rendre cette orientation visible, le pays prévoit d'autoriser la mention du cépage sur les vins de pays.
Michael Porter recommande à la viticulture portugaise de se concentrer sur trois marchés principaux : le Portugal, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. ' Pour ces deux pays d'exportation, nos principaux concurrents sont le Chili et l'Australie , rappelle Vasco d'Avillez. A nous de montrer nos différences avec des cépages bien de chez nous. La difficulté sera de faire, comme eux, de la qualité en quantité... Pour être compétitif, il faudra aussi réduire les coûts de production au pied de vigne. ' Pas évident...
Objectif : atteindre, dans les dix ans à venir, 150 millions de ventes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et passer de 600 Meuros à 1 mdeuros de chiffre d'affaires pour la filière.
Il sera intéressant de voir ce qu'une telle analyse peut apporter à ce monde éclaté de petits vignerons, a priori extrêmement hermétiques au marketing. Vasco d'Avillez avoue même être déconcerté par certains producteurs qui ne savent même pas envoyer un fax, ni prononcer un mot d'anglais ! On imagine alors le décalage entre le langage Porter et ses clusters, et les gens qui ont voté et payé l'analyse... Mais au moins, ils ont osé !
STRATEGIE
Portugal : baisse de la consommation et concurrence à l'export, la situation est identique à la nôtre. Mais les Portugais ont un sérieux atout : ils sont unis derrière une seule bannière, Viniportugal, et osent faire appel à un professionnel du marketing pour les aider à vendre.
France : le manque de concentration et la divergence d'intérêts des acteurs de la filière empêchent le vin de bâtir une stratégie commune pour faire face à la crise.