ImprimerHuguenot, Olivier de Serres a écrit ' Le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs ' comme un service dû à Sa Majesté Henri IV. Il y jette les fondements de l'agronomie moderne.
'Excellent cultivateur ' et ' vrai patriote ', Olivier de Serres naît en 1539. Il vient au monde à Villeneuve-de-Berg dans une famille de la religion réformée. En 1558, il acquiert, dans cette commune du Vivarais, en Ardèche, le domaine du Pradel. Sous sa houlette, il deviendra une ferme expérimentale avant l'heure. En 1598, Henri IV met fin aux guerres de Religion en signant l'Edit de Nantes. Le roi de France fait alors appel aux bonnes volontés pour redresser la situation. Olivier de Serres est là. Il développe l'élevage des vers à soie, afin de diminuer les dépenses du royaume dans les étoffes.
Puis, il jette les fondements de l'agronomie dans l'oeuvre de sa vie : Le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs. Ce livre est une synthèse de ses lectures et de son expérience. Il met en scène un père de famille qu'il instruit à ' bien cognaistre le terroir qu'il désire cultiver, à se bien loger et à bien administrer sa famille '. Il soutient que la qualité des producteurs fait celle des vins : ' A paysan fruste, vin grossier. A homme de qualité, vin précieux. '
Le troisième chapitre, d'une centaine de pages, est consacré à la viticulture. Il dispense des conseils agronomiques, oenologiques et économiques très précis. A ses yeux, la qualité des vins, et donc leur aptitude au transport, est déterminante dans la localisation des vignobles. Les vins de faible qualité doivent être produits près de leur lieu de consommation. Les autres peuvent être commercialisés à grande distance.
Olivier de Serres écrit que la terre doit être plus ' légère, plus sablonneuse qu'argileuse, plus meuve et subtile que grosse et épesse, plus maigre que grasse ' . Il recommande de complanter cinq ou six cépages. Avec un seul, dit-il, on serait en danger de n'avoir aucune vendange.
Il recommande au maître de garder un oeil sur toutes les étapes de la vendange et de la vinification. Il doit veiller à la qualité du raisin. Olivier de Serres l'incite à une propreté drastique du chai et des tonneaux. Il conseille de maintenir la fraîcheur par ' une eau claire et coulante dans la cave, salutaire au vin '. Il relève l'effet négatif des rafles vertes, préconise le foulage du raisin, se déclare en faveur de cuvaisons courtes qui peuvent donner des vins ' exquis ' et ' délicats '. Il craint, par une cuvaison trop longue, ' une disparition des arômes, une couleur moins vive et une moindre force du vin '.
Son livre est, par ailleurs, parsemé de conseils tout à fait étonnants, comme d'introduire dans la fente des ceps ' des liqueurs, ou poudres douces aromatiques (miel, sucre, girofle), pour donner bon goust aux raisins ' . Autre surprise : pour éclaircir le vin nouveau ' afin d'estre rendu buvable comme s'il était vieil ', il faut mettre des ' retaillures ', c'est-à-dire des copeaux de bois ' par dessus du moust '. Il faut d'abord écorcer le bois, puis le bouillir et le sécher pour amoindrir son impact. Le vin s'éclaircit rapidement et acquiert une agréable senteur. Il est appelé ' vin de coipeau '. Comme quoi certains débats, dits modernes, sont parfois bien anciens.
La première édition du théâtre, publiée le 1 er mars 1600, est dédiée au roi. ' C'est le service que je dois au Roi comme son naturel sujet ', écrit Olivier de Serres dans sa préface. La viticulture n'occupe qu'une petite partie de ce livre qui aborde tous les domaines de l'agriculture. Olivier de Serres disparaît en 1619. Il restera dans les mémoires comme le père des agronomes français.
