Les restaurateurs sont surchargés de travail. Ils sont preneurs de tout service qui leur simplifie la vie : livraison, animation, aide à la mise en valeur de leur carte, kit pour servir du vin au verre...
'A l'école hôtelière, il est fréquent d'entendre dire aux futurs responsables d'établissement qu'avec la vente de vin, ils pourront financer le rachat de leur mobilier. L'équilibre financier de nombreux restaurants repose sur une telle gestion. Le prix des menus est affiché sur la devanture. Il est tiré vers le bas pour attirer le client. Les restaurateurs se rattrapent sur le vin. Or, cette poule aux oeufs d'or s'asphyxie... Pour l'instant, les restaurateurs en sont au constat : leur chiffre d'affaires de vin diminue. Notre rôle consiste à leur montrer comment relancer les commandes. ' L'analyse de Dominique Lambry, responsable des marchés en France et en Europe à l'Interprofession des vins de Bourgogne, est représentative de la politique menée par la filière pour reconquérir le secteur des CHR (cafés, hôtels, restaurants).
Depuis peu, les opérations de séduction se multiplient. Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne en a monté une, en partenariat avec Les Logis de France. 550 établissements du réseau ont reçu un kit de découverte des vins de Bourgogne au verre : ardoises présentant les différents produits (chevalets de table, affiches, livrets de recettes...), sans compter ' l'effort promotionnel demandé aux professionnels bourguignons '. Budget de l'opération : 150 000 euros.
D'aucuns pourraient penser que c'est cher payé pour être mis en valeur... Après tout, n'est-ce pas le rôle du restaurateur de promouvoir les vins de sa carte ?
C'est bien mal connaître le métier. ' Nos interlocuteurs sont des petites entreprises, souvent surchargées de travail. Il faut donc leur demander le minimum et offrir le maximum ', résume un spécialiste.
Les opérateurs qui ont réussi en restauration ont compris la logique de travail de leurs interlocuteurs.
Témoin le château La Coste, à Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône), qui réalise 70 % de ses ventes auprès de ce secteur. ' Nous avons intégré la logistique afin d'offrir le meilleur service. Nous possédons deux camions et employons deux chauffeurs qui livrent dans un rayon de 100 km, deux fois par semaine. Un restaurateur qui passe commande reçoit la marchandise dans les deux jours. Nos transporteurs connaissent les habitudes de nos clients : les horaires de livraison, là où il faut décharger... Cela simplifie leur travail ', raconte Olivier Adnot, directeur.
Autre exemple de succès, celui du château Pigoudet, à Rians (Var), qui ne cesse de se développer en restauration depuis quatre ans. ' Aujourd'hui, ce débouché représente 35 % de notre activité ', explique Marcel Fritsch, responsable commercial. Outre une bonne motivation de son réseau de distributeurs grâce à une politique tarifaire loyale - le prix en direct au château reste supérieur à celui proposé par les distributeurs grossistes - le domaine Pigoudet ose jouer la carte de l'animation, avec des soirées de dégustation de rosés organisées dans plusieurs restaurants de la région.
La coopérative de Plaimont mise, quant à elle, tous ses efforts sur le service du vin au verre. Jean-Louis Méoux, directeur commercial de la cave explique : ' Pour encourager les restaurateurs sur cette voie, nous fournissons les verres. Nous avons même lancé une bouteille avec une contre-étiquette graduée : le client se sert seul. Lors de l'addition, le patron mesure ce qui a été bu et fait payer le nombre de verres consommés . ' L'opération a été lancée en septembre et porte sur 800 000 cols de côtes-de-saint-mont.
Pour la plupart des opérateurs vitivinicoles, l'offre de vin au verre est considérée comme la solution d'avenir. Le négociant bordelais Yvon Mau a lancé un logo pour mettre en évidence ce service. Sophie Roussov, chef de produit, explique : ' La consommation au verre est en plein développement. En apposant ce label sur sa vitrine, le restaurateur garantit à ses clients qu'il est en phase avec cette nouvelle tendance. Pour accompagner la promotion de ce logo, nous lui remettons un kit composé d'une carte des vins, qui situe géographiquement nos appellations, délivre des conseils d'accords mets-vin et des notes de dégustation. Nous avons aussi prévu des ronds de verre . ' L'opération a été lancée à l'automne, et a conquis une quarantaine d'établissements parisiens.
Le négociant Jean-Paul Lafage, fondateur de la société Sopardis, est également convaincu que l'avenir du vin en restauration passe par la vente au verre. Pour lui, le meilleur moyen d'atteindre cet objectif reste le bib de 3 l, dont il est devenu le spécialiste. ' Pour moins de 300 euros d'investissement, un restaurant peut se lancer en proposant une douzaine de vins au verre différents. Le rapport qualité/prix est excellent. Par exemple, mon saint-estèphe est proposé 32 euros aux restaurants. Le patron peut offrir vingt-cinq verres de 12 cl pour un prix de revient de 1,28 euros.
En appliquant un coefficient multiplicateur de trois, il reste en dessous des 4 euros. De quoi relancer la consommation, non ? ' Il faut juste espérer que les restaurateurs joueront le jeu en se gardant d'appliquer une autre stratégie suicidaire avec des coefficients de sept ou huit...