En Val de Loire, en Languedoc- Roussillon et dans le Sud-Ouest, l'heure est à la concertation. AOC et vins de pays se préparent à travailler ensemble pour conquérir les marchés étrangers et mieux adapter l'offre à la demande.
Que les vignerons d'appellation d'origine contrôlée et de vins de pays - qui sont d'ailleurs souvent les mêmes - travaillent de manière concertée, voilà qui relève du bon sens. Mais c'est sans compter sur la nature humaine, plus prompte à se diviser qu'à s'unir... Toutefois, la crise aidant, la filière semble vouloir enterrer ses vieux démons, à la satisfaction de nombreux protagonistes. ' Cela fait trois ans que la filière réfléchit sur la gestion par bassin de production, s'impatiente Denis Verdier, président de l'Onivins. Il est grand temps d'avancer. '
La région du Val de Loire semble la plus mûre sur ce dossier. C'est là que le premier comité régional de l'Anivit, baptisé comité régional des vins de pays du Jardin de la France, a été créé en 2003. Point très important, il a son siège dans les locaux d'InterLoire, l'interprofession des AOC d'Anjou, de Saumur et de Touraine. ' Cette proximité est essentielle, car elle permet aux personnes de mieux se connaître ', souligne Pierre Aguilas, président de la Confédération des vignerons du Val de Loire. Cette dernière regroupe les syndicats de producteurs d'AOC et de vins de pays du Val de Loire, sauf la région Centre. ' La plupart des vignerons et des négociants produisent et vendent à la fois des AOC et des vins de pays. Alors, il est vraiment paradoxal de ne pas travailler ensemble. Notre objectif est de fédérer l'ensemble des vignobles sous l'esprit Loire. '
Noël Bougrier, négociant à Saint-Georges-sur-Cher et président du comité régional des vins de pays du Jardin de la France, abonde dans le même sens : ' Nous étudions actuellement la possibilité de rebaptiser les vins de pays du Jardin de la France en vins de pays du Val de Loire, pour avoir une vraie logique de bassin de production. J'espère que ce dossier va aboutir en 2005. Nous pourrions ainsi dire : 'Notre bassin de production, c'est la Vallée de la Loire ', et proposer deux choix à nos clients : l'expression de cépages avec les vins de pays, et l'expression de nos terroirs avec les AOC. Sur le plan de l'organisation, je suis favorable à ce que le comité régional des vins de pays rejoigne les AOC dans une interprofession qui supervise le tout. '
Mais pas question de dépenser un sou de plus. ' Il y a trop de structures dans le monde viticole, poursuit Pierre Aguilas. Nous ferons avec le personnel existant. ' Pour l'instant, seules des actions promotionnelles communes sont envisagées. Mais Pierre Aguilas et Noël Bougrier espèrent que la concertation ira beaucoup plus loin, et qu'elle intégrera aussi les volumes produits et les droits de plantation.
Le Languedoc-Roussillon est l'autre région qui progresse à grands pas vers une gestion concertée. La création de l'Association de concertation des vins du Languedoc-Roussillon devrait se concrétiser d'ici à la fin de l'année. Elle regroupera quatre comités interprofessionnels : celui des vins du Languedoc (CIVL), celui des vins du Roussillon (CIVR), le comité interprofessionnel des vins de pays d'Oc, et le comité régional de l'Anivit qui gère les autres vins de pays que ceux d'Oc.
' Cette association aura trois missions, précise Bernard Augé, directeur de la Fédération héraultaise des vins de pays. Elle devra suivre les marchés pour fournir une aide à la décision en début de campagne quant aux volumes à produire. La deuxième mission sera de mettre en place un suivi aval de la qualité. Enfin, le troisième objectif sera l'élaboration d'une communication collective. Nous travaillons à trouver un nom fédérateur. '
L'expression ' Sud de la France ', déjà utilisée par les vins de pays d'Oc, est souvent évoquée. Le nouveau président de la région, Georges Frêche, souhaiterait, quant à lui, rebaptiser le Languedoc-Roussillon en Septimanie, nom de la région sous l'époque romaine. Toutes les productions régionales sont donc invitées à adopter ce nom... ce qui n'est pas du goût de tous les vignerons. La profession n'ayant pas d'autre choix que de composer avec ce souhait, Septimanie devrait être une marque ombrelle. La communication commune sera, là aussi, le premier chantier unificateur. Cela sera d'autant plus facile que le Syndicat des vins de pays d'Oc et les appellations du Languedoc communiquent déjà ensemble dans plusieurs pays depuis six ans. La région Provence-Alpes-Côte-d'Azur progresse également sur ce dossier, avec la mise en place d'un comité régional des vins de pays.
Dans le Sud-Ouest, le sujet provoque des tensions. Les Vignerons indépendants de Midi-Pyrénées souhaitent que leur bassin de production ne comprenne pas le Bordelais. ' Les efforts des vignerons de Midi-Pyrénées ne seront pas sacrifiés sur l'autel d'une gestion par grand bassin de production 'Grand Ouest' ou 'Atlantique'. Nos producteurs ne cautionneront pas les défaillances des autres bassins de production ', précisent-ils.
Ils semblent avoir été entendus. Des négociations sont en cours pour créer un comité de bassin, qui regrouperait les appellations du comité interprofessionnel des vins du Sud-Ouest, de Cahors, de Buzet, ainsi que les vins de pays de Midi-Pyrénées, des Pyrénées-Atlantiques, des Landes et du Lot-et-Garonne.
PLUS
Travailler de façon concertée permettra d'optimiser les investissements promotionnels à l'étranger.
MOINS
On risque d'ajouter un nouveau type d'organisation professionnelle dans un univers qui n'en manque pas !