En se regroupant, les employeurs peuvent proposer un plein temps à durée indéterminée à un salarié que chacun emploie à temps partiel. Ils peuvent également bénéficier d'aides. Mais tous les partenaires doivent s'entendre et fixer des règles de fonctionnement.
De plus en plus plébiscité, le groupement d'employeurs consiste à partager les compétences d'un salarié entre plusieurs exploitants. Ce partage peut avoir lieu avec d'autres partenaires (les communes, les Cuma ou les artisans). Le but est de parvenir à un équivalent plein temps. Le groupement est l'employeur du salarié. Ce dernier travaille chez chaque adhérent, selon un planning et des règles établies au préalable.
A chaque fin de mois, les exploitants paient une facture au groupement selon le nombre d'heures effectuées par le salarié sur leur domaine. Le groupement verse le salaire et paie les charges sociales. Etant une association de la loi 1901, c'est-à-dire à but non lucratif, il ne peut générer aucun bénéfice. Il a ses statuts propres, un règlement intérieur, un conseil d'administration et un bureau avec, au minimum, un président et un trésorier.
En 2004, il existe plus de 4 000 groupements d'employeurs dans le secteur agricole. ' Les exploitants qui créent un groupement n'ont généralement jamais eu d'employé , analyse Sandrine Coroyer, juriste à la FNSEA. Le groupement leur permet d'embaucher à temps partiel et d'appréhender le métier d'employeur de manière plus sécurisante. Créer un groupement oblige aussi à réfléchir à son organisation du travail. Pour combien de temps vais-je employer un salarié ? Pour quels travaux ?... Il est essentiel de mener une vraie réflexion en amont, car les aléas météorologiques font qu'il est difficile de tout planifier. '
La bonne entente entre les employeurs est bien sûr indispensable. ' Au départ, les exploitants pensent souvent que c'est plus simple de jouer la complémentarité entre plusieurs systèmes de production, mais dans les faits, les groupements sont créés par filière, constate Nadège Sire, animatrice à l'Adefa (Association interdépartementale pour l'emploi et la formation en agriculture) dans les Pyrénées-Orientales. C'est logique, car il faut une base de confiance entre les adhérents. En général, ils se connaissent par le biais d'une coopérative, d'un syndicat ou d'une mairie. '
Si le partage d'un salarié reste l'objectif numéro un, une autre motivation monte en puissance, celle de fidéliser les salariés compétents. ' Il y a encore dix ans, les vignerons retrouvaient leurs saisonniers chaque année , précise un animateur de la FDSEA de l'Hérault. Ce n'est plus le cas. De plus, les exploitants ont des difficultés à attirer la population locale. Avec le groupement, le salarié est fidélisé, car il est embauché en contrat à durée indéterminée. Il bénéficie d'un statut plus sécurisant et d'un travail plus varié que s'il n'avait qu'un seul employeur. ' Dans l'Hérault, on compte plus de 100 groupements d'employeurs, dont 80 % sont viticoles.
Fidéliser un salarié compétent, c'est aussi ce qui a animé Jean-Dominique Videau, vigneron à Saint-Germain-d'Estenille (Gironde). ' Avec une collègue, nous avons créé un groupement en 2002, car nous avions la même problématique. Nous ne pouvions pas employer quelqu'un à plein temps, mais nous n'étions pas satisfaits d'avoir recours à des prestataires de service, dont nous ne maîtrisions pas toujours la qualité du travail. En fait, nous avions tous les deux besoin d'un trois quarts de temps plein. Nous employons donc un salarié à temps plein et un autre à mi-temps. Ils travaillent chez moi en alternance une semaine sur deux, sauf en cas d'urgence. Nous faisons en sorte d'avoir des travaux décalés entre les deux exploitations. Comme je suis adhérent en coopérative et que ma collègue a une cave particulière, le besoin de main-d'oeuvre est un peu différent. Tous les mois, nous enregistrons chacun nos heures. En cas d'arrêt maladie, nous répercutons les 'conséquences' sur les deux exploitations. Les allégements de charges et les aides du conseil général nous permettent de mieux rémunérer nos salariés, ce qui est très précieux avec la pénurie actuelle de main-d'oeuvre. '
Le groupement bénéficie des mesures prévues pour les travailleurs occasionnels. Selon les départements, les conseils généraux et régionaux accordent chacun une aide à la création d'environ 3 000 euros par groupement.
Le champ d'action du groupement d'employeurs ne se limite pas au travail dans les vignes ou dans les chais. L'aspect commercial peut aussi être pris en compte. Ainsi, pendant deux ans, Bruno Erouart, basé dans les Pyrénées-Orientales, a été employé par huit caves particulières, puis quatre, pour développer les ventes : ' Mon travail consistait à assurer la prospection des clients, surtout à l'export, et à participer aux salons. Il était intéressant pour les caves de se réunir pour financer un poste de commercial. Ce groupement fonctionnait bien, mais il était difficile de le faire tenir très longtemps, car la situation économique évolue différemment selon les exploitations. Chacune des quatre caves me rémunérait, à parts égales, pour un montant de 8 500 euros/an. '
Le groupement d'employeurs dispose de nombreux atouts, mais il a aussi ses limites. Il reste plus facile à créer qu'à dissoudre. Par ailleurs, il faut savoir que les adhérents sont solidaires financièrement et doivent donc assumer les éventuelles dettes de l'un d'entre eux.