Pour des raisons économiques, des vignerons intègrent l'épamprage chimique dans leur stratégie de désherbage. Ils peuvent ainsi retarder le troisième passage d'un programme tout foliaire.
Epamprer chimiquement et désherber en même temps sous le rang est une pratique qui se développe. Le plus souvent, l'épamprage reste la priorité. Le désherbage n'est qu'une conséquence bienvenue. On profite du passage pour nettoyer les herbes sous le rang.
Certains vignerons vont plus loin et intègrent l'épamprage dans leur stratégie de désherbage. Ils comptent réellement réussir deux opérations en un seul passage. ' Cela se justifie dans le cadre d'un programme tout foliaire, mais peut aussi présenter un intérêt en cas de décrochage du résiduaire, déclare Laurent Dartigoeyte, de la chambre d'agriculture de Gironde . En ENM (enherbement naturel maîtrisé), cela permet d'économiser un passage et de retarder l'application estivale. Mais attention, comme les doses d'herbicides appliquées sont faibles, ce n'est pas un véritable désherbage. Si on prend l'exemple de Gramoxone plus, il est homologué à 1,4 l/hl en épamprage. Si le vigneron travaille à un volume de 300 l d'eau par hectare, il va appliquer une dose de 4,2 l/ha sous le rang. Si on prend l'hypothèse que la moitié du produit va sur l'herbe (à l'heure actuelle, on ne connaît pas le volume réel qui arrive sur la plante), la dose reçue sera de 2,1 l. Or, Gramoxone est homologué à 6 l/ha en désherbage en plein, soit 3 l sous le rang (si 50 % de la surface en plein). La quantité de matière active reçue par les adventices peut suffire pour détruire de petites plantules qui recommencent à pousser, mais pas pour des plantes plus développées ou des vivaces . '
De plus, tous les produits d'épamprage n'ont pas une action herbicide. Shark et Spotlight Plus ne peuvent pas être utilisés dans ce cadre, car inefficaces sur graminées.
L'intérêt d'une telle stratégie est purement économique, comme l'explique Serge Labat, responsable technique chez Univitis, une union de coopératives basée à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde). ' Depuis l'arrêt de la terbuthylazine, on essaye de rebâtir des programmes d'un coût acceptable. L'une des solutions est de travailler uniquement avec des herbicides de postlevée. Dans ce cadre, j'intègre l'épamprage comme herbicide . '
Pour cela, Serge Labat retarde au maximum la première application d'herbicide au printemps. Il opte pour un produit soit à base d'aminotriazole seul, soit associant l'aminotriazole au paraquat, qu'il applique fin avril. Début juin, il épampre avec Gramoxone et désherbe en même temps. Pour cela, il se sert de l'épampreuse Dhugues. ' J'optimise le coût en faisant deux opérations en un seul passage. Cela me fait gagner quinze à vingt jours avant que l'herbe ne repousse, et me permet de dégager du temps au moment où les travaux en vert se bousculent . ' Autour du 15-20 juillet, il peut tranquillement faire le troisième désherbage avec du glyphosate. Serge Labat applique cette stratégie sur toutes les parcelles du domaine d'Univitis qui sont épamprées, et la conseille à l'ensemble des adhérents.
Pour Serge Laffargue, vigneron à Marcellus (Lot-et-Garonne), l'épamprage chimique est l'élément majeur du programme de désherbage. En général, il applique un glyphosate en sortie d'hiver. Il réalise un premier épamprage avec Gramoxone, puis un deuxième quinze jours plus tard. A chaque fois, il se sert de l'épampreuse-désherbeuse S 21. ' Par cette technique, je maîtrise l'herbe car, au moment des épamprages, elle n'est pas très haute . ' Il repasse ensuite avec du glyphosate sur taches mi-août, en cas de présence de vivaces.
Francis Torregrosa, vigneron à Béziers (Hérault), ne fait aucun désherbage en sortie d'hiver, sauf dans de rares parcelles à problématique roquette. Il réalise seulement un épamprage avec Gramoxone lorsque les pampres ont atteint 20 à 25 cm. Quinze jours à trois semaines plus tard, il désherbe avec du glyphosate. ' Le produit d'épamprage brûle l'herbe. Cela me permet de retarder l'application de glyphosate à un moment où l'herbe repousse et où elle est plus sensible au produit . '
Epamprer et désherber en même temps présente certains avantages, à condition que le calendrier le permette et que l'herbe ne soit pas trop haute. Mais selon des techniciens, il vaut mieux un programme de désherbage calé en fonction des adventices plutôt que raisonné en fonction de l'épamprage.