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Seul l'arrachage redresse le tort

La vigne - n°164 - avril 2005 - page 0

Des vignerons achètent, sans le savoir, des parcelles plantées sans droit. La Cour de cassation décide qu'elles devront être arrachées. Aux yeux des juges, c'est la seule manière de faire disparaître l'illégalité.

Mieux vaut savoir planter les vignes à la mode du droit français... Sans quoi, il peut en coûter cher ! Tel est l'enseignement de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 22 septembre 2004. La réglementation est claire : pour planter, il faut des droits, ou bien justifier d'une déclaration d'arrachage. Que se passe-t-il en cas de non-respect de cette règle ? Le juge a tranché : il faut arracher pour ' faire disparaître l'illégalité '.
M. W. est propriétaire de parcelles de vignes en appellation. A la suite de sa déclaration de récolte, les agents des Douanes viennent faire une inspection sur le terrain. Ils constatent qu'une partie des récoltes provient de parcelles en situation irrégulière, et alertent le procureur de la République. Celui-ci cite M. W. devant le tribunal correctionnel pour absence de déclaration conforme. En première instance, M. W. est condamné à payer des amendes correspondant aux parcelles en infraction. Il décide de faire appel. Mal lui en prit. Les Douanes font alors valoir que non seulement les déclarations de récoltes ne sont pas conformes, mais les plantations non plus ! Le débat s'articule autour des articles 1 et 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Aux termes du premier de ces textes, toute infraction au régime des plantations est punie d'une amende. Le second article prévoit une peine complémentaire : la condamnation à l'arrachage.

Mais M. W. n'est plus propriétaire des parcelles illégalement plantées. Il les a vendues à la Safer, qui les a rétrocédées à d'autres viticulteurs. Pour éviter la condamnation à l'arrachage, il fait état de la nouvelle situation devant la cour d'appel de Colmar. Les juges du second degré confirment la décision de première instance. Ils refusent d'appliquer la peine complémentaire d'arrachage, au motif que cette sanction pénaliserait les nouveaux propriétaires. Ils précisent que M. W. ' ne peut exécuter une mesure sur un bien dont il s'est dessaisi dans des conditions à priori réglementaires '. Pour autant, l'Inao ne s'incline pas et défère l'arrêt de la cour de Colmar à la Cour de cassation. La décision, rendue le 22 octobre 2004, prend toute sa valeur : pour les juges, l'irrégularité de la plantation est attachée aux parcelles. En cas d'infractions, il y a donc lieu d'ordonner l'arrachage des plantations irrégulières ' quel qu'en soit le propriétaire ', c'est-à-dire quand bien même serait-il étranger à l'infraction commise.

Quelles sont les conséquences pour les actuels propriétaires ? Ces derniers vont être privés des parcelles plantées par M. W. qu'ils ont achetées à la Safer. Celle-ci doit être considérée comme un vendeur professionnel. A ce titre, elle ne peut pas ignorer les vices de la chose vendue. Elle doit donc une garantie aux propriétaires lésés. Ceux-ci auront le choix : rendre les parcelles et s'en faire restituer le prix, ou en obtenir une diminution. Dans les deux cas, ils devront agir dans un bref délai.
Si cette action aboutit, que pourra faire la Safer vis-à-vis de M. W. qui ne lui a pas révélé le caractère illicite des plantations ? On pourrait évoquer là encore l'action en garantie... Reste à savoir si la Safer s'est bien informée avant d'acheter... Précisément, on peut se demander si elle s'est fait communiquer la fiche d'encépagement du bien acquis... Il est probable que les parcelles en infraction n'y étaient pas mentionnées. Une chose est sûre, ce contentieux conforte la nécessité pour les acquéreurs de vignes de vérifier si les parcelles cadastrales cédées sont mentionnées à la fiche d'encépagement du vendeur et même d'obtenir une confirmation des Douanes.

Référence : Cassation, chambre criminelle, 22 septembre 2004, Chrétien GOEPP.

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