L'achat et l'utilisation d'un matériel en copropriété supposent une bonne entente et le respect des règles de l'indivision. Les choses se compliquent lorsque l'un des copropriétaires veut vendre sa part.
A la différence du fonctionnement très cadré des Cuma, l'utilisation de matériel en copropriété est peu formalisée. Cependant, pour que les choses se passent bien, il faut du bon sens et du respect. L'expérience montre qu'il est important de fixer des règles dès le départ et de les rappeler si nécessaire pour éviter des situations conflictuelles. ' La semaine dernière, j'ai récupéré une bétonnière non lavée , témoigne un viticulteur du Gard. Cela aurait nécessité 10 min de lavage de la part de mon collègue qui l'avait utilisée. Moi, j'ai dû y consacrer plus de deux heures, avec le sentiment de ne pas avoir été respecté. '
Il est important aussi que les copropriétaires soient sur la même longueur d'onde à propos du prêt du matériel. ' Nous possédons un tracteur à trois, et l'un des copropriétaires le prête souvent à ses voisins le week-end , poursuit le viticulteur gardois. C'est pénible car les 'conducteurs du dimanche' génèrent plus de casse. De plus, on ne sait jamais où est le tracteur. Pour recadrer le fonctionnement, j'ai organisé une réunion il y a six mois. Depuis, cela va beaucoup mieux. Si j'ai un conseil à donner à ceux qui sont tentés : ne laissez jamais passer un incident, même mineur, sans en parler. Après, les mauvaises habitudes perdurent et le ressentiment de celui qui répare et nettoie en silence ne fait que croître. '
Les seuls points réellement codifiés de la copropriété concernent la vente des parts et les réparations. La loi prévoit qu'un matériel acheté en copropriété est un matériel en indivision. Chaque indivisaire est donc titulaire d'une quote-part du matériel. Il a le droit de vendre cette part, mais il est obligé d'en informer les autres copropriétaires, qui bénéficient d'un droit de préemption. Un minimum de formalisme est requis, sous peine que la vente soit annulée.
Le vendeur doit avertir les autres indivisaires par voie extra-judiciaire - c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un huissier - du prix et des conditions de cession de sa part. Il doit aussi préciser l'identité du futur acquéreur, avec son nom, son adresse et sa profession. A la réception du courrier, les autres copropriétaires disposent d'un délai d'un mois pour faire savoir au vendeur, toujours par voie extra-judiciaire, qu'ils souhaitent exercer leur droit de préemption. Ce droit doit s'appliquer au prix et aux conditions de cession proposées par le cédant. La balle est alors dans le camp de celui qui souhaite vendre sa part. Il peut en effet renoncer de la vendre, même si l'un des indivisaires a formulé le souhait d'exercer son droit de préemption.
Dans le cas où l'indivisaire accepte que le préempteur fasse jouer son droit, ' ce dernier dispose, pour la réalisation de l'acte de vente, d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au vendeur , précise l'article 815-1 du code civil. Passé ce délai, la déclaration de préemption est nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure par lettre . '
Dans l'hypothèse où les indivisaires s'entendent bien, le formalisme peut être allégé. Il suffit de rédiger un document signé par toutes les personnes concernées, précisant que tel indivisaire renonce aux droits prévus par tel article du code civil. Toutefois, il est préférable d'être conseillé par un juriste pour éviter toute contestation.
Peut-on obliger les autres indivisaires à vendre le matériel pour que chacun reparte avec sa quote-part ? A priori, la vente du matériel doit être une décision prise à l'unanimité. Il existe toutefois une petite porte de sortie. La loi permet que l'on puisse demander au tribunal la vente aux enchères du matériel. Il revient alors au tribunal d'examiner la situation, mais il est rare qu'il accède à cette requête.
Si, faute d'avoir pu vendre sa part de matériel, l'un des indivisaires n'utilise plus le matériel, il n'est pas exempt de s'en occuper. L'indivision continue de vivre et chacun est tenu d'assumer sa charge. En cas de panne, les autres indivisaires sont donc en droit de faire réparer le matériel et de partager les frais de réparation à l'ensemble des indivisaires, au prorata de sa quote-part, comme le précise l'article 815-2 du code civil : ' Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis. Quand l'indivision ne possède pas de fonds, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses . '