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Le contrôle des structures s'applique aussi au chai

La vigne - n°167 - juillet 2005 - page 0

Le petit-fils d'un viticulteur voulait reprendre le chai que son grand-père avait donné en location. Il n'a pas demandé l'autorisation au préfet. Mal lui en a pris. La Cour de cassation a annulé le congé donné au locataire du bâtiment.

Le contrôle des structures infiltre le droit agraire. Certains le considèrent comme un anachronisme, d'autres le défendent. Reste à savoir si la loi de modernisation agricole va maintenir ou non cette législation contraignante. Rappelons que le contrôle des structures rend nécessaire une autorisation préfectorale dans plusieurs cas de figure : si on s'installe sur une exploitation d'une superficie supérieure à un seuil fixé réglementairement, ou si on s'agrandit au-delà de ce seuil ; si une vocation d'agriculteur n'est pas accompagnée d'un diplôme ou d'une expérience professionnelle ; si l'installation ou l'agrandissement envisagés ont pour résultat de réduire une autre exploitation en dessous d'un certain seuil ou de la faire disparaître...
Ces seuils sont fixés par le schéma départemental. On serait tenté d'admettre qu'ils s'appliquent uniquement à des terres. Or, cette interprétation est erronée. En effet, le code rural (article L 331-2) édicte la nécessité d'une autorisation si l'installation ou l'agrandissement d'une exploitation privent une autre exploitation d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement. La Cour de cassation le rappelle dans son arrêt du 24 octobre 2004.
Les faits sont les suivants : M. Joseph est viticulteur, à la tête d'une exploitation de 20 ha de vignes. Il vinifie dans une cave construite par lui. Il y élève son vin. Mais vieillissant, M. Joseph n'est plus en mesure d'exploiter. Il a trois enfants adultes. Aucun ne s'intéresse à la viticulture. Il crée un GFA avec eux, qui consent deux baux de dix-huit ans : le premier porte sur les vignes, le second sur le chai. Cela permet, en outre, de bénéficier de la réduction des droits de succession établie par l'article 793 du code général des impôts !

Les années s'écoulent jusqu'au moment où l'un des petits-fils de Joseph décide de devenir vigneron. Diplômé, il veut reprendre le flambeau familial. Dix-huit mois avant l'expiration des baux, les deux locataires se voient donc signifier leur congé. Le fermier des vignes ne s'y oppose pas, contrairement à celui de la cave. Ce dernier fait appel à la législation sur le contrôle des structures. Il argumente que la reprise le prive d'un bâtiment essentiel à son exploitation. Il en conclut que le petit-fils de Joseph doit obtenir une autorisation du préfet. Or, celui-ci n'a pas été sollicité !
Le GFA répond au fermier que la législation sur le contrôle des structures ne s'applique pas en l'espèce. Le raisonnement des propriétaires est le suivant : il y a deux baux différents, l'un portant sur le bâtiment, l'autre sur les terres. Or, le schéma départemental de contrôle des structures fait référence au vignoble. Plus généralement, la législation sur le contrôle des structures ne se conçoit que par rapport à des superficies de terres cultivées puisqu'elle a pour but de contrôler la dimension des exploitations. Ils en concluent qu'il n'y a pas d'autorisation préfectorale à solliciter pour la reprise du bail portant sur la cave.
Vaine argumentation ! L'article L 331-2 du code rural vise un bâtiment nécessaire à une exploitation. C'est le cas du chai. Les juges donnent donc raison au locataire. Pour justifier leur décision, ils relèvent que le bail rural portait sur une exploitation d'élevage de vin dans les caves louées. La reprise a donc pour conséquence de priver le locataire d'un bâtiment essentiel au fonctionnement de son exploitation. Selon eux, le GFA aurait dû demander l'autorisation préfectorale prévue par la loi. Cela n'ayant pas été fait, ils annulent le congé. Le bail est donc renouvelé pour neuf ans. Pendant ce temps, le petit-fils peut jouir des vignes, mais pas de la cave. Il aurait dû solliciter l'autorisation préfectorale, car elle lui aurait sûrement été accordée.
Cet exemple est significatif de l'incidence du contrôle des structures sur les rapports entre bailleur et preneur. Il confirme, par ailleurs, que l'élevage du vin est une activité agricole, même si elle est indépendante de la production des raisins qui l'alimentent.

Référence : Cour de cassation, 27 octobre 2004, n° 03-15 277.

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