ImprimerL'inventeur de l'échaudage était considéré avec défiance et hostilité par ses contemporains. Il est mort ruiné. Pourtant, sa technique a sauvé le Beaujolais de la pyrale. Sa réhabilitation n'a eu lieu qu'après sa mort.
Benoît Raclet est né à Roanne le 7 avril 1780. Dix-neuvième enfant d'une fratrie de vingt-deux, il prend la succession de son père et la charge de greffier du tribunal de Roanne en 1806. Deux ans plus tard, il épouse Marthe Chaumet, fille du procureur de Mâcon. Ce dernier possède de nombreux vigneronnages dans le Beaujolais et une maison à Romanèche, commune devenue Romanèche-Thorins en 1872.
Benoît Raclet est napoléonien. Après la chute de l'empereur, on lui fait payer ses convictions politiques : sa charge lui est enlevée. Le couple se retire alors à Romanèche. Benoît Raclet gère les vigneronnages familiaux. Il se lance sans grand succès dans l'exploitation minière. Il est décrit comme ' un homme à forte personnalité ', ' entreprenant ', ' ordonné et méthodique ' et doté ' d'un don merveilleux d'observation '. Il s'est ainsi penché sur les ravages de la pyrale pendant une vingtaine d'années, avant de comprendre la manière de l'éradiquer.
A l'époque, cet insecte dévaste les vignes. Sur le terrain, on tente de le réduire en pratiquant des ' clochages ' au soufre, le badigeonnage des ceps ou des piégeages. On éclaire des vignes la nuit avec des lampions, dans l'espoir d'attirer les papillons pour les détruire. On organise même des processions, censées provoquer une intervention divine, ou des exorcismes. Rien n'y fait.
Selon un rapport officiel, transmis au gouvernement de Louis Philippe en 1842, la pyrale fait un tel ravage que 8 ha ne donnent que 12 hl de vin. Le fléau sévit sur vingt-trois communes aux alentours de Romanèche. Une catastrophe.
Alors qu'une attaque particulièrement forte anéantit tout espoir de récolter du raisin, ' il y avait, à Romanèche, une treille qui restait insolemment verte et vigoureuse. Elle bénéficiait du jet biquotidien d'eau de vaisselle chaude prodigué par la cuisinière des Raclet '. Benoît Raclet fait bientôt le rapprochement entre la cause et l'effet. L'idée lui vint d'attaquer la chrysalide pendant sa période d'hibernation, avec de l'eau bouillante. Dans une parcelle, il fait des essais d'échaudage avec des moyens de fortune. Il est alors la risée du pays.
Pourtant, son remède s'avére simple, efficace et peu coûteux. En 1841, la vigne Raclet est resplendissante. L'importance de sa découverte est bientôt reconnue par les experts. A partir de 1843, l'échaudage devient général. Les vignerons demandent même ' l'obligation officielle et réglementée ' de l'application du procédé Raclet. La pyrale est maîtrisée. Mais il est bien tard.
Après avoir été foudroyé en 1841, Benoît Raclet est paralysé et ruiné. Il doit vendre ses vignes et quitter le pays pour Saint-Germain-du-Bois (en Brionnais) où il meurt le 31 mai 1844. Ses deux fils ne laissent aucune descendance. Maigre consolation : il reçoit la légion d'honneur à titre posthume et la commune de Romanèche érige ' au sauveur de nos vignes ', une statue à son effigie en 1864.
Au début du XX e siècle, Léon Foillard rachète la maison de Benoît Raclet et quelques ares de vignes. Ce personnage est ' un négociant passionné par sa région qui ne peut se résoudre à ce que l'histoire de cet homme tombe dans l'oubli ', raconte sa petite fille Frédérique Brault. La maison de Benoît Raclet est devenue un musée privé dédié à cet être au destin tragique. Elle est ouverte tous les ans, le dernier samedi du mois d'octobre, à l'occasion de la fête Raclet. Un vin d'honneur y est alors servi à sa mémoire.
