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Wallonie : les pionniers de la première AOC belge

La vigne - n°169 - octobre 2005 - page 0

Dans cette région belge, le climat est rude. Mais les amoureux de la vigne ne s'en laissent pas compter. Ils exploitent des micro- climats exceptionnels. Ils plantent des variétés nouvelles, fraîchement sorties d'un centre de recherche. Ils viennent d'obtenir leur première AOC.

Le 27 mai 2004, José Happart, ministre de l'Agriculture, signe le décret de la première AOC wallonne, les Côtes de Sambre et Meuse. Les premières demandes d'agrément ont été présentées cette année, en mai. Seuls deux exploitants ont obtenu satisfaction. Tout d'abord, Raymond Godin, avec son vignoble Les coteaux de dame Palate, à Chokier. Cet amateur ne vend pas ses vins. Ensuite, la distillerie de Biercée qui, elle, entend bien profiter commercialement de la toute jeune appellation. Les dix ares de son Clos des Zouaves sont plantés de régent, sur les jardins suspendus de Thuin, dans la vallée de Sambre. Elle vend ses bouteilles de 5,50 à 7 euros. Une nouvelle session de la commission d'agrément se tiendra prochainement.

Trois domaines très différents dessinent les contours de la viticulture wallonne. Le château de Trazegnies, près de Charleroi, dans la province du Hainaut, a établi son vignoble sur le terril d'Herlaimont, rejet d'une mine de charbon ! ' Le sol constitue notre plus grande spécificité , expose Robert Delcroix, de la fondation Tervignes, qui gère le vignoble. Il est composé de schistes carbonifères. C'est un atout considérable ! Les températures sont toujours supérieures de 2 à 4°C à celles relevées hors du terril. De plus, le sol permet à l'eau de s'infiltrer facilement dans une nappe peu profonde. Enfin, le vignoble exposé au sud est entouré d'une ceinture boisée qui le protège des vents. Comme vous le voyez, nous avons trouvé le moyen de surmonter les conditions climatiques difficiles de la Wallonie . '
Ce vignoble compte 3 000 pieds sur 1 ha : 700 de pinot noir, 700 de riesling, et 800 de müller-thurgau, un cépage allemand. Le reste est réparti en gamay, chardonnay et pinot gris. ' La production s'élève à 3 000 l/an. Les bouteilles sont vendues 7,50 euros au profit des Amis du château de Trazegnies, lors des visites. Nos vins ont déjà obtenu de multiples reconnaissances lors de salons et de manifestations. Nous nous présenterons à la prochaine session d'agrément de l'AOC Côtes de Sambre et Meuse ', poursuit-il.
Le vignoble du Clos des Prébendiers se trouve sur le versant sud des coteaux de Huy. Au bas coule la Meuse. Sur 400 m 2, le Clos accueille 1 000 pieds de müller-thurgau et d'auxerrois. Là aussi, une pinède coupe le vent. ' Pour faire face aux conditions climatiques, j'ai planté la vigne dans le sens de la pente afin d'assurer un maximum d'ensoleillement ', explique Jacques Mouton, propriétaire et exploitant.
Pour faciliter la récolte, cet homme a installé des rails sur lesquels circule un chariot pour remonter les vendanges, réalisées vers la mi-octobre. ' La production s'élève à 1 000 bouteilles d'un vin qui titre 10 à 11 % d'alcool. Je la commercialise dans les restaurants alentours ou les petits commerces de Huy . '

A côté de ces amateurs, de nouveaux venus, ambitieux et novateurs, entendent bien relever les défis lancés par la viticulture wallonne. C'est le cas de Philippe Grafé. Sur son domaine du Chenoy, à Emines, il a fait le pari de variétés interspécifiques adaptées au climat septentrional. Toutes sont des obtentions du centre de Fribourg (Allemagne). Elles sont tolérantes au mildiou et à l'oïdium. Leur débourrement est tardif et la maturité est précoce.
Philippe Grafé est convaincu de leur potentiel. Après deux ans d'études approfondies sur la faisabilité de son projet, cet homme de 68 ans, qui n'a plus rien à prouver, se lance. En 2002, il acquiert un terrain de 11 ha sur une pente de 15 %, exposé plein sud. En avril 2003, il plante 25 000 pieds sur 6 ha. Il devient le premier producteur wallon. Il n'a pas eu de formalités particulières à remplir : la réglementation européenne ne prévoit pas d'obligation de demande de droits de plantation pour la Belgique. En 2004 et 2005, il réalise de nouvelles plantations sur 2 ha : 7 000 pieds de pinotin et 4 000 de rondo.

Mais son préféré reste le régent : ' C'est un cépage extraordinaire, dont la maturité intervient dès la fin août. La grappe est très ouverte et la peau épaisse. Par contre, il faut le cueillir en huit à dix jours sous peine de voir tomber les baies ', déclare Philippe Grafé.
La première récolte a comblé les espoirs du jeune exploitant qui s'enthousiasme pour son Sourire de la Bruyère, cuvée de l'espoir 2004. ' Ce vin est très coloré, joliment parfumé par des arômes évoquant le cassis ou la myrtille confiturée. La bouche est souple et harmonieuse avec des saveurs légèrement épicées. Malgré la prime jeunesse des vignes qui explique un léger manque de corps et de persistance, cette première cuvée laisse entrevoir la potentialité du régent en terre wallonne. ' Les bouteilles sont commercialisées uniquement à la propriété pour 5,50 euros.
Ce développement de la production wallonne ne risque pas de remettre en cause la dominance des vins français, qui représentent 75 % des ventes au détail du marché belge. La quasi-totalité du marché est constitué d'importations, plaçant ainsi la Belgique au cinquième rang des pays importateurs.

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