Les sorties de rosés et d'effervescents sont en hausse. Celles de rouges reculent. Pour ces vins, la région cherche à définir un style convenant aux Anglo-Saxons. Elle va entamer une réflexion sur le positionnement de ses blancs secs.
La douceur angevine s'accompagne souvent d'une discrétion bien cultivée. Ce fait ne se dément pas alors que l'Anjou affiche des résultats encourageants, contrairement au reste de la France. Ici, tout le monde rappelle que ' rien n'est jamais acquis '. La région profite de la multiplicité de ses productions, autrefois considérée comme un handicap. Elle constate qu'il est plus facile de se maintenir avec une large gamme de vins plutôt qu'avec un seul vin produit à des centaines de milliers d'hectolitres.
Cela dit, certains voient dans la situation actuelle, les fruits d'une politique de longue haleine. Pierre Aguilas, président de la Confédération des vignerons du Val de Loire (ancien président de la Fédération viticole de l'Anjou) l'affirme haut et fort : ' L'Anjou a toujours été raisonnable en terme de plantations. Elle en est récompensée. ' De fait, depuis plusieurs années, les surfaces déclarées tournent autour de 19 500 ha. Lors de la dernière campagne, les sorties de chais de vins d'appellation ont progressé de 6,4 %. Toutes les productions ne connaissent pas le même sort.
Les disparités sont très nettes selon les couleurs. Depuis plusieurs campagnes, ce sont les rosés qui permettent d'enregistrer des sorties à la hausse. En 2004-2005, celles de rosé d'Anjou ont connu un bond de 26 %, atteignant 164 000 hl. Même tendance pour le cabernet-d'anjou qui, avec 221 000 hl, progresse de 15 %. En deux campagnes, l'appellation a gagné 45 000 hl.
Comme l'a montré une enquête réalisée en 2004 par l'Ecole supérieure d'agriculture d'Angers, les rosés demi-secs (entre 15 et 30 g/l de sucres résiduels) sont plébiscités par les consommateurs. Ce sont les vins dont les opérateurs ont le plus travaillé le marketing, en misant sur les jeunes.
Bien que les chiffres soient bons, Olivier Lecomte, président du Syndicat des rosés de l'Anjou, ne pavoise pas. Il y a quinze ans, ces vins subissaient une grave crise. Personne ne l'a oubliée. ' Nous devons maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande. Côté offre, nous sommes très raisonnables en matière de plantation, et côté demande, nous investissons énormément en communication. ' Les rendements ont également été réduits par rapport à la pléthorique année 2004, mais restent au-dessus des rendements de base.
Comme les rosés, les bulles enregistrent des sorties de chais en hausse. Le saumur brut est passé de 58 000 hl en 2002-2003 à 85 000 hl en 2004-2005. ' Les fines bulles de Loire suivent la dynamique favorable à tous les vins à bulles ', indique Françoise Flao, présidente du Comité des maisons de Saumur, qui fédère sept négociants. Pour ces entreprises qui commercialisent plus de 80 % du saumur brut, ' les ventes ont augmenté de 3 % durant les dix premiers mois de 2005. Nous avions déjà une progression de 6 % en 2004 '. Même chose pour le crémant de Loire, qui est passé de 17 000 hl en 1993-1994 à 42 500 hl en 2004-2005.
A l'opposé, les vins rouges sont à la peine. L'anjou rouge enregistre une chute de ses sorties de 11 %, tandis que le saumur-champigny, jusque-là plutôt en croissance, se tasse à 72 500 hl (en baisse de 4 %). Le saumur rouge est quasiment stable. Ces rouges subissent une forte concurrence en France et ne percent pas à l'export. Ces vins de cabernet franc sont souvent jugés trop acides ou trop astringents. L'interprofession a confié une mission à un Néo-Zélandais afin qu'il définisse, avec les techniciens locaux, un style de vin convenant aux Anglo-Saxons. ' Le tout dans le respect de l'appellation ', précise Dominique Pasquini, chargé de la qualité à InterLoire. Cette démarche pourrait aboutir.
Quant aux blancs tranquilles, ils seront ' l'un des chantiers du vignoble angevin pour les années à venir ', estime Patrice Laurendeau, président de la Fédération viticole de l'Anjou. A partir du chenin, on peut produire des vins secs, demi-secs, liquoreux ou à bulles. Les vins à la typicité mal définie ne décollent pas. Les cours de l'anjou blanc sont au plus bas à 0,80 euros/l, alors que des vignerons vendent de beaux produits entre 7 et 10 euros la bouteille. Une réflexion sur l'offre doit être engagée cette année. Elle s'appuiera sur une étude lancée en 2005 montrant que deux types de produits séduisent les consommateurs : les vins blancs ' techno ', faciles à boire, et des vins de terroir, plus structurés. Elle montre que le public rejette les blancs aux notes végétales et à l'acidité prononcée.
Dans les Coteaux du Layon, une récente réunion a porté sur la nécessité de raisonner la production selon la demande, située autour de 40 000 hl. La production se développe. Les stocks augmentent. D'où l'idée d'un VSI (volume substituable individuel) pour la prochaine récolte afin d'éliminer de vieux vins.
Bien que le vignoble soit épargné par la crise, les transactions commerciales sont difficiles. Beaucoup de viticulteurs soulignent que leurs efforts sont encore peu récompensés par les prix.