Pour séduire de nouveaux consommateurs, le Roussillon a lancé les Fruités et pris des mesures pour garantir la fraîcheur du muscat-de-rivesaltes. La région réfléchit encore à sa stratégie pour les vins de terroir.
Au cours de l'année 2003, à la demande de cinq groupements de producteurs et du Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR), le cabinet Adrien Stratégie a réalisé un audit de la filière. Le constat a été rude. ' Vous risquez de disparaître si vous ne réagissez pas. Vous devez repositionner votre offre. Vous avez des atouts pour vous placer sur deux courants porteurs, celui des vins jeunes et fruités et celui des vins de terroir ', ont expliqué les consultants.
Les trois groupements producteurs de vins secs ont démarré les premiers. En 2004, ils se sont rassemblés au sein des Vignerons catalans en Roussillon (Vicaro). Sous la marque Fruité catalan, ils ont élaboré trois vins jeunes et aromatiques : un rouge, un rosé et un blanc. Les deux premiers sont des côtes-du-roussillon. Le dernier est un vin de pays des Côtes catalanes pour utiliser le muscat. Lancée à Vinexpo en juin 2005, cette gamme a été bien accueillie par les consommateurs et par la grande distribution.
Dès la première année, les Vignerons catalans ont vendu 500 000 cols. L'objectif est de dépasser les 5 millions de cols, en France et à l'export. ' Dans les rayons, l'idéal serait de positionner les trois couleurs côte à côte. Mais il y a deux appellations et un vin de pays qu'il est obligatoire de séparer. Nous espérons que le linéaire commun va se mettre rapidement en place ', souligne Louis Malet, président de Vicaro.
Les vignerons ont été payés entre 82 et 85 euros/hl pour ces vins, alors que le cours moyen du côtes-du-roussillon rouge se situait à 70 euros/hl en 2005. Dans les coopératives engagées, les méthodes de travail ont changé. ' En juin, nous avions dans chaque cave une liste de parcelles sélectionnées pour les Fruités. Nous avons demandé le double de nos besoins, pour pouvoir choisir les meilleurs vins. Nous voulons privilégier l'approche économique et réintroduire de l'émulation. '
Au niveau des vins doux naturels, le vin fruité, c'est le muscat-de-rivesaltes. ' Depuis le millésime 2005, nous avons adopté un agrément d'une durée limitée à un an. Nous voulons éviter que des vins ayant perdu leur côté frais et aromatique, se retrouvent sur le marché ', explique Roger Torreilles, président du syndicat de cru. Ces deux dernières années, les vignerons ont revendiqué peu de muscat. Ils ont réduit les stocks. Les cours se sont maintenus au-dessus de 200 euros/hl. Il reste maintenant à reconquérir des parts de marché et à regagner en prix pour retrouver une rentabilité. Repositionner le muscat en tant que vin pourrait y contribuer. Les caves particulières le font déjà. Ainsi, elles valorisent le muscat tout en séduisant de nouveaux consommateurs. Lors des rencontres méditerranéennes du muscat en décembre 2005, Jean-Louis Vallet, de Carrefour, a approuvé l'idée. Il reste à convaincre les groupes de spiritueux, qui commercialisent 70 % des muscats-de-rivesaltes en le positionnant en apéritif d'entrée de gamme.
Au niveau des vins de terroir, les discussions sont encore en cours. ' Ces vins à forte personnalité existent déjà. Nous voudrions les fédérer sous une bannière commune pour mieux les promouvoir. Pour y parvenir, nous devons fixer des règles du jeu qui rassemblent tous les acteurs intéressés ', affirme Jean-Louis Salies, président du CIVR. L'idée serait de distinguer les vins répondant à un cahier des charges, au moyen d'un blason. ' Nous ne sommes pas fermés à une démarche collective. Mais nous voulons préserver ce que nous avons créé. Nous ne nous engagerons pas sans garanties sur le positionnement des produits, en qualité comme en prix ', affirme Hervé Passama, président du Syndicat des Vignerons indépendants.
Pour la définition de la nouvelle appellation Côtes du Roussillon Les Aspres, les vignerons indépendants et les coopératives ont déjà travaillé ensemble. ' Nous avons défini un terroir et un itinéraire technique spécifique pour créer un style plus féminin. Nous nous sommes fixé des règles rigoureuses, avec un double agrément. En 2005, nous avons commercialisé 2 000 hl du millésime 2003, à un prix moyen de 8 euros/col. Aujourd'hui, de nouveaux producteurs nous rejoignent ', constate Gilles Jaubert, vigneron.
D'autres chantiers attendent. La restructuration de l'offre en vins de pays est loin d'être achevée. Des réflexions sont en cours autour des vins doux naturels autres que le muscat. Par ailleurs, lorsque l'aire de l'AOC Languedoc sera élargie, les Catalans pourront en produire. ' Nous sommes prêts, relève Bernard de Roquette Buisson, président du Syndicat des Côtes du Roussillon. Pour réorganiser l'offre sur des bases claires, nous devons aller vers un engagement parcellaire. Tout ce qui contribuera à réduire les stratégies opportunistes, au profit de démarches construites tournées vers les consommateurs, nous aidera à progresser. La crise est grave, nous devons agir vite. '